Une protestation contre un projet d'urbanisation, vendredi à Istanbul, a viré à l'affrontement avec la police turque qui a eu recours aux gaz lacrymogènes et aux canons à eau. Le gouvernement Erdogan est contesté par les manifestants.
La police turque a fait usage, vendredi 31 mai, à Istanbul, de gaz lacrymogènes et de canons à eau pour disperser des manifestants. Ceux-ci protestaient initialement contre un projet d’urbanisation sur un espace vert, mais la manifestation a viré à la contestation du gouvernement islamo-conservateur de Recep Tayyip Erdogan.
L'intervention des forces de l'ordre a fait des dizaines de blessés, dont une touriste égyptienne de 34 ans dans un état grave après avoir été touchée à la tête par une grenade lacrymogène, selon l'Ordre des médecins d'Istanbul. Douze personnes, dont un député soutenant la cause kurde et un photographe de Reuters, présentent des traumatismes.
Les manifestations ont débuté lundi 27 mai au soir, dans le parc de Gezi, pour tenter d'empêcher le déracinement d'arbres, préalable à la construction d'un ensemble immobilier. Mais les contestataires, qui avaient installé un campement dans le parc, ont étendu leur mouvement à une remise en cause de la politique du gouvernement et du parti majoritaire, le Parti de la justice et du développement (AKP).
Rappel à l’ordre de Washington
"Il ne s'agit plus du sort de quelques arbres, mais de la pression que nous impose ce gouvernement. On en a assez, nous n'aimons pas la direction qu'est en train de prendre notre pays", a dit Mert Burge, un étudiant de 18 ans venu soutenir les manifestants. "Nous resterons ici ce soir et on dormira dans la rue s'il le faut", a-t-il ajouté.
Amnesty International s'est dit préoccupé par un "usage excessif à la force" lors de l'intervention des forces de police. Le ministre de l'Intérieur, Muammer Guler, a promis d'enquêter. Ria Oomen-Ruijten, rapporteur du Parlement européen sur la Turquie, a également fait part de sa préoccupation.
Tout comme Washington qui a exceptionnellement rappelé à l’ordre son allié turc, vendredi soir. "Le meilleur moyen de garantir la stabilité, la sécurité et la prospérité de la Turquie, c'est de respecter les libertés d'expression, d'association et de rassemblement telles que ces personnes visiblement les exerçaient", a déclaré la porte-parole du département d'État, Jennifer Psaki.
Le "début d’un été du mécontentement"
Le gouvernement Erdogan est confronté depuis des semaines à des manifestations portant alternativement sur le rôle de la Turquie dans le conflit syrien, l'environnement, la restriction des ventes d'alcool ou encore la mise en garde des autorités contre les manifestations publiques d'affection - d'où l'organisation de "kiss-in" où les participants sont invités à s'embrasser en public.
Ces troubles sont le reflet de tensions croissantes entre Erdogan, qui reste de loin le dirigeant politique turc le plus populaire, et une catégorie de la population qui dénonce une dérive autoritaire et une remise en cause des principes laïcs. "Même des partisans de l'AKP disent que nos gouvernants ont perdu la tête, qu'ils ne nous écoutent pas", dénonce Koray Caliskan. Ce politologue de l'Université du Bosphore, qui participait à la manifestation du parc Gezi, y voit "le début d'un été du mécontentement".
Des manifestations similaires ont éclaté à Ankara, la capitale, ainsi qu'à Izmir, grande ville industrielle sur la mer Égée.
Avec dépêches