logo

Vers une partition de la Syrie ? (seconde partie)

Au Nord et au Sud, certaines zones échappent au contrôle du régime de Bachar al-Assad, qui concentre ses forces sur la protection du territoire qu'il estime "utile". Une fin de la guerre signifiera-t-elle une partition du pays ? Décryptage (2/2).

Vers une partition de la Syrie ? (première partie)

Le régime se concentre sur le "territoire utile" et prépare son "plan B"

Alors qu’à l’été 2012 encore, on voyait le régime en perte de vitesse épuisé par la multiplication des fronts sur l’ensemble du territoire, il semble aujourd’hui regagner du terrain. "Il est clair que le régime marque des points désormais dans la province de Homs, à Hama et au nord de Lattaquié également", confirme Fabrice Balanche spécialiste de la Syrie et directeur du Gremmo.

Il explique que l’armée syrienne mène actuellement une "stratégie de contre-insurrection dans laquelle elle veut se concentrer sur le pays utile, quitte à se désengager temporairement de certaines régions comme le nord ou le sud". À ce stade du conflit, le régime syrien veut assurer sa survie. Contrairement à ce que l’on aurait pu affirmer il y a un an, l’axe stratégique n’est plus la route Damas-Alep, reliant les deux grandes métropoles du pays, mais plutôt la voie qui mène du littoral vers Damas et ce à plusieurs titres.

"En premier lieu, il faut bien nourrir Damas", explique Fabrice Balanche qui rappelle que le pouvoir syrien tient encore bien le cœur de la capitale, où la bourgeoisie sunnite lui est favorable. "Or, c’est par la mer qu’une bonne partie du ravitaillement arrive à Damas, que ce soit en nourriture, marchandises mais aussi en armes". Sécuriser la route est donc essentiel. De plus, pour aller de Tartous ou Lattakié, les deux grandes villes de la côte syrienne, à Damas il faut inévitablement passer par Homs. "C’est là qu’est la difficulté", observe le chercheur, car Homs et ses alentours constituaient jusqu’à présent une importante poche de résistance dans une zone plutôt favorable au régime. "Les autorités syriennes étaient obligées de déployer des troupes importantes sur les routes environnant Homs et Qousseir notamment pour sécuriser les convois".

L'armée entre dans la ville stratégique de Qousseir

L'armée syrienne est entrée dans le centre de Qousseir, bastion rebelle dans la province de Homs (centre), et a pris le contrôle de la place centrale et de la mairie, où les soldats ont planté le drapeau syrien, d'après une source militaire citée par l'AFP. "Nos forces valeureuses ont rétabli la sécurité et la stabilité dans la mairie de Qousseir et les immeubles environnants, et continuent de poursuivre les terroristes dans la ville", a confirmé la télévision d'État.

L'armée syrienne, appuyée par le puissant parti chiite libanais Hezbollah selon une ONG et des militants, a lancé dimanche un assaut sur cette ville rebelle qui résiste depuis plus d'un an. Qousseir est stratégique car elle est située dans la province centrale de Homs et sur l'axe reliant la capitale Damas au littoral.

La bataille cruciale de Qousseir

Située près de la frontière libanaise, la ville de Qousseir constitue ainsi, avec certains quartiers de Homs, le dernier obstacle sur ce fameux axe. C’est donc logiquement que l'armée syrienne y concentre toutes ses forces depuis plusieurs semaines. Déjà plus d’un an que la ville résiste aux assauts de l’armée et à des bombardements incessants, mais, cette fois, pour être sûr de l’emporter le régime a fait appel à des renforts. Fin avril, le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah a en effet reconnu à demi-mot que des membres de son mouvement se battaient aux côtés du régime syrien dans cette région frontalière du Liban. "Nous ne laisserons pas les chiites libanais qui vivent autour de Qousseir sans défense", avait-il affirmé dans un discours télévisé diffusé sur Al Manar, la chaîne du Hezbollah.

La stratégie semble payer, puisque l’armée d’Assad a remporté plusieurs victoires ces dernières semaines, reprenant aux rebelles plusieurs localités autour de la ville. Qousseir est désormais encerclée. Le 13 mai, des militants ont rapporté que les soldats avaient largué des tracts sur la ville invitant les civils à quitter les lieux, faisant craindre un massacre imminent. "On sait qu’il y a eu depuis des négociations entre les rebelles et l’armée pour qu’ils puissent sortir de la ville, mais l’armée exige une reddition", poursuit Fabrice Balanche. "À la différence de Baba Amr, [bastion rebelle à Homs repris symboliquement par l’armée en février 2012], l’armée ne laissera pas les rebelles s’échapper", estime-t-il.

Preuve de l’importance de cette bataille, il y a plus de six mois déjà, le président Assad avait affirmé que la reprise de Qousseir était cruciale pour le régime. "Aujourd’hui Qousseir est devenue un emblème au même titre que Baba Amr", analyse Fabrice Balanche. "Le régime a besoin de victoires pour sa propagande".

Plan B

Par ailleurs, en sécurisant la voie menant de Damas au littoral "le régime prépare son plan B : la possibilité de repli communautaire en cas de chute de la capitale", un scénario souvent évoqué par les commentateurs du conflit.

La zone côtière est en effet communément appelée le pays alaouite, confession du président Assad. Pour Frédéric Pichon, historien spécialiste de la Syrie, des massacres comme celui perpétré à Banias fin avril, imputé aux milices du régime et qui a fait plus de 150 morts, sont des signaux d’avertissement à destination des sunnites. "Banias est une enclave sunnite en pays alaouite", rappelle-t-il. "Ce genre d’acte est destiné à faire fuir les sunnites contestataires de la zone".