Pour le Conseil représentatif des associations noires (Cran), les "politiques foncières" évoquées par Christiane Taubira (photo) pour réparer les "confiscations" de terres outre-mer est "simple à mettre en œuvre".
"C'est une mesure sociale concrète." Le président du Conseil représentatif des associations noires (Cran), Louis-Georges Tin, ne cache pas son enthousiasme après l'évocation par la ministre de la Justice, Christiane Taubira, d'une politique foncière pour corriger les "confiscations des terres" dans les territoires d’outre-mer durant la période de l’esclavage.
"Je me réjouis que Christiane Taubira ait repris l'idée d'une réforme agraire, l'une des 40 propositions présentées par le Cran à Matignon en octobre 2012", souligne Louis-Georges Tin, contacté par FRANCE 24. "Il ne s'agit pas de mettre en œuvre une politique d'expropriation. L'État a de nombreuses terres inutilisées qu'il pourrait donner à des paysans sans terre qui sont les héritiers des esclaves. C'est très simple à mettre en œuvre", insiste le président du Cran.
"J'espère que cela ne restera pas un effet d'annonce. Nous attendons désormais que le ministre des Outre-mer, Victorin Lurel, réfléchisse aux modalités concrètes de mise en œuvre de cette politique agraire", conclut le président du Cran qui est à l'origine de l'assignation en justice, le 10 mai, de la Caisse des dépôts (CDC) pour avoir tiré profit de la traite négrière.
Une "réparation impossible" pour Hollande
Mais la "politique foncière" souhaitée par Christiane Taubira sera-t-elle soutenue par le président François Hollande ? Rien n'est moins sûr. Lors d’une cérémonie organisée vendredi 10 mai à l'occasion de la Journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions au Jardin du Luxembourg, à Paris, le chef de l'État a en effet rappelé "l'impossible réparation" des ravages de l'esclavage.
"L'outrage fait par la France à la France", a alors souligné François Hollande, ne peut faire "l'objet de transactions au terme d'une comptabilité qui serait en tous points impossible à établir".
Les "descendants d'esclaves" privés d'"accès au foncier"
Dans une interview accordée au "Journal du Dimanche", la ministre de la Justice, à l'origine de la loi de 2001 faisant de l'esclavage un crime contre l'humanité, prône la mise en place d'une politique foncière pour les "descendants d'esclaves" n'ayant "guère accès au foncier".
"Il faudrait donc envisager, sans ouvrir de guerre civile, des remembrements fonciers, des politiques foncières. Il y a des choses à mettre en place sans expropriation, en expliquant très clairement quel est le sens d'une action publique qui consisterait à acheter des terres", a affirmé Christiane Taubira tout en reconnaissant que cette politique était "difficile à mettre en place" du fait de la disparité des situations dans les collectivités d'outre-mer.
"En Guyane, l'État avait accaparé le foncier, donc là, c'est plus facile. Aux Antilles, c'est surtout les descendants des 'maîtres' qui ont conservé les terres, donc cela reste plus délicat à mettre en œuvre", a-t-elle admis.
En se positionnant pour "une politique foncière" et non pour une "compensation financière" de l'esclavage, la ministre de la Justice s'est donc une fois de plus démarquée d'un "débat" dans lequel elle n'a "jamais souhaité s'inscrire".