logo

Le Brésilien Roberto Azevedo a été désigné pour succéder au Français Pascal Lamy à la tête de l’Organisation mondiale du commerce. L’homme, réputé fin négociateur, a su gagner le soutien des pays en développement et émergents.

Un homme "sympathique et calme". C’est par ces deux adjectifs que ses collègues décrivent Roberto Azevedo, le prochain directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Nommé officiellement ce mercredi 8 mai, à l’issue d’un processus de nomination long de quatre mois, ce diplomate en poste à Genève depuis plus de 15 ans représente le Brésil à l’OMC depuis 2008.

L’homme de 55 ans, originaire de Salvador de Bahia, dans le nord-est du Brésil, s’est forgé une réputation de fin négociateur, remportant à l’OMC deux batailles majeures pour son pays contre les subventions versées par les Américains à leurs plantations de coton et contre celles de l’Union européenne (UE) versées à ses producteurs de sucre. Des succès qu’il doit, selon des diplomates en poste à Genève, à son sens de la négociation discrète et à sa propension au dialogue. "C’est un bâtisseur de consensus", a ainsi résumé un diplomate sous le sceau de l’anonymat.

Une finale latino-américaine

Son principal challenger pour le poste, le Mexicain Herminio Blanco, n’a rien à envier à son adversaire. Ce libéral soutenu par les Etats-Unis, et longtemps donné favori pour prendre la direction de l’OMC, pratique une diplomatie radicalement différente qui a, elle aussi, brillamment porté ses fruits. Fervent partisan des méthodes fortes, consistant à prendre appui sur le monde des affaires pour contraindre les gouvernements à négocier des accords de libre-échange, il est notamment parvenu à mener à bien, en 1994, l’accord historique de libre-échange nord-américain (Alena) avec les États-Unis et le Canada.

Le scrutin entre ces deux hommes rompus à l’expérience de la diplomatie économique internationale s’annonçait serré. Mais le Brésilien a finalement bénéficié du soutien d’une large majorité des membres de l’OMC, notamment des pays africains, du Moyen-Orient, d’Asie et d’Amérique latine, sans compter celui des fameux BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). "Ne vous trompez pas, les compétences comptent, mais le choix est idéologique", a glissé un ambassadeur à l’AFP sous couvert d’anonymat.

Ce que confirme le ministre brésilien des Affaires étrangères, Antonio Patriota : "La victoire d’Azevedo reflète un grand changement de gouvernance globale dans lequel les pays émergents gagnent de la place au sein des organisations multilatérales, et y montre une capacité de leadership".

Un diplomate né

Roberto Azevedo a pu, pour convaincre les pays membres, s’appuyer sur son impressionnant curriculum vitae. Ambassadeur du Brésil à Washington puis à Montévidéo, il intègre en 1997 la mission diplomatique brésilienne permanente à Genève. Il officie tour à tour au sein de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement et de l’Union internationale des communications.

Il revient à Brasilia en 2005 où il est nommé chef du département économique du ministère des Affaires étrangères, après avoir créé, puis dirigé pendant quatre ans, la coordination générale des litiges de la diplomatie de son pays. Pendant deux années, entre 2006 et 2008, il prend le poste de vice-ministre pour les affaires économiques, toujours au sein du ministère des Affaires étrangères. Deux ans pendant lesquelles il enchaîne les allers-retours avec la Suisse, et à l’issue desquels il devient représentant du Brésil au sein de l’OMC.

Un trophée pour le Brésil

"J’ai les compétences et l’expertise [pour diriger l’OMC]", avait-il affirmé au cours d’une conférence de presse, le 31 janvier dernier. "Je travaille depuis de longues années au sein de l’Organisation mondiale du commerce, je connais parfaitement le système. J’ai gagné la confiance de membres appartenant à toutes les tendances politiques et adoptant diverses opinions. Avec eux, j’ai pu avoir un dialogue ouvert, nous avons pu échanger nos points de vue en toute confiance, dans un esprit constructif." Puis, il poursuit : "le directeur général doit être quelqu’un en qui tous les membres de l’OMC ont confiance. Il devra être capable d’écouter, de comprendre et de parler à toutes les parties impliquées dans les négociations".

La nomination de Roberto Azevedo est un nouveau trophée pour la diplomatie brésilienne, qui poursuit la stratégie conquérante remarquablement engagée sous la présidence de Lula. Une prouesse d’autant plus marquante que ces dernières années, la présidente brésilienne, Dilma Rousseff, n’a pas hésité à recourir à un protectionnisme économique. Une ligne politique qui a fait grincer bien des dents au sein de l’OMC.