Le ministre canadien des Ressources naturelles effectue une tournée en Europe afin d'y promouvoir les sables bitumineux. Une ressource pétrolifère qui pourrait faire l'objet d'une directive restrictive de l'Union européenne.
C’est en véritable "VRP" des sables bitumineux que le ministre canadien des Ressources naturelles est venu en Europe. Joe Oliver s’est lancé, lundi 6 mai, dans une tournée dans plusieurs pays pour faire la promotion de cette énergie pétrolière abondante dans la région de l'Alberta, située dans le centre-ouest du Canada. Après extraction et transformation de ces roches sablonneuses, on obtient du bitume sous forme liquide qui, une fois raffiné, produit notamment du gazole et du kérosène.
Mais les sables bitumineux ont mauvaise presse sur le Vieux Continent. L’Union européenne (UE) pourrait adopter cet automne une directive qui pénaliserait le pétrole brut extrait de cette ressource naturelle. Ce projet environnemental vise à classer les différents carburants selon leurs émissions de gaz à effets de serre. Les sables bitumineux, dont l’extraction nécessite beaucoup d’énergie, se retrouveraient ainsi fortement pénalisés.
Le bras de fer
Le ministre canadien conteste cette directive qu’il juge injuste envers son pays. "On ne veut pas un résultat qui cible le Canada pour un traitement néfaste et qui n’est pas justifié considérant les faits scientifiques", a-t-il déclaré aux médias canadiens lors d’une conférence téléphonique depuis Paris.
Joe Oliver a aussi pointé du doigt d’autres pays qu’ils considèrent comme moins transparents que le Canada qui s’astreint à publier ses données en matière de gaz à effet de serre : "Les bruts de Californie et du Venezuela possèdent des niveaux d’émission égaux ou supérieurs à celui du Canada, mais la directive considère que les émissions canadiennes sont 22 % plus élevées".
"Un enfer écologique"
Alors que le Canada n’exporte pas pour l’instant son pétrole en Europe, le ministre des Ressources naturelles cherche surtout à changer l’image de cette énergie qui est critiquée par de nombreuses associations environnementales. Greenpeace parle notamment "d'une catastrophe écologique mondiale" dans son documentaire Petropolis : "Lacs toxiques, camions géants énergivores, rivière transformée en égout industriel, forêts rasées. Les sables bitumineux ressemblent à l’enfer".
Le Canada, qui produit trois millions de barils de pétroles par jour (sixième producteur au monde), souhaite ne pas perdre d’éventuels débouchés. Les États-Unis, qui représentent 99% des exportations de brut du Canada, pourraient réduire leurs importations si cette ressource est de plus en plus stigmatisée. Par ailleurs, Washington n’a toujours pas donné son accord concernant le projet controversé d'oléoduc Keystone qui doit relier les sables bitumineux du Canada au golfe du Mexique.
Bras de fer en Europe
Le Canada pourrait toutefois compter sur un nouveau désaccord de l’UE à ce sujet. L’an dernier, les 27 pays n’avaient pas réussi à se mettre d’accord. La Grande-Bretagne et les Pays-Bas, deux pays actionnaires de Royal Dutch Shell, l'un des exploitants des sables bitumineux canadiens, s'étaient notamment opposés à cette directive.
D'autres États comme la France s’étaient pour leur part abstenus lors du vote et avaient demandé de nouvelles études d’impact dont les résultats sont attendus prochainement. Pour continuer son opération séduction, Joe Oliver va poursuivre sa tournée à Londres et à Bruxelles.