logo

L'ex-président du Conseil italien Giulio Andreotti, alias "Il Divo", est décédé

Sept fois président du Conseil italien, homme politique très controversé, Giulio Andreotti est mort ce lundi, à Rome, à l'âge de 94 ans. Cet "inoxydable" de la politique italienne avait été hospitalisé en août 2012 pour une arythmie cardiaque.

Il était surnommé "Il Divo" (Le Divin), en référence à Jules César qui avait régné très longtemps à la tête de la Rome antique. Giulio Andreotti, ancien chef du gouvernement italien et sénateur à vie, facilement repérable à sa silhouette voûtée et à son sens implacable de l'ironie, est décédé à son domicile de Rome, ce lundi 6 mai, à l'âge de 94 ans. Alors que son pays sort tout juste d'une grave crise politique, son absence a été particulièrement remarquée ces derniers mois, ce qui laissait présager de nouveaux ennuis de santé après son hospitalisation en août 2012 pour une arythmie cardiaque.

La carrière de celui qu’on surnomma également Belzébuth", le "Sphinx" ou encore le "Richelieu italien" débute en 1946 lorsqu’il fait son entrée à l’Assemblée constituante chargée de rédiger une nouvelle Constitution pour le pays après la longue parenthèse du fascisme. Il a alors 27 ans. Sept fois président du Conseil, 20 fois ministre, cette figure centrale de l’ex-parti de la Démocratie chrétienne, dissout en 1994, a vu sa longue carrière politique émaillée de nombreux scandales allant de soupçons de collusion avec les milieux mafieux jusqu'à l’assassinat de personnalités politiques et journalistiques.

Il quitte le devant de la scène politique en 1992, emporté par une gigantesque affaire de corruption qui accable alors son parti. Condamné à 24 ans de prison en 2002 pour avoir commandité le meurtre d'un journaliste trop curieux, Mino Pecorelli, en 1979, il sera acquitté par la Cour de cassation italienne l’année suivante, au terme de 11 années de procédure judiciaire.

Ses liens supposés avec le parrain mafieux Toto Riina n'ont pas davantage été établis. "C'est soit le plus grand criminel, soit le plus grand persécuté de l'histoire de l'Italie !", avait affirmé en 2008 une journaliste à la sortie du film "Il Divo", quatrième long-métrage signé Paolo Sorrentino sur la vie d'Andreotti.

Un personnage pieux et mystérieux

Selon Jean-Yves Frétigné, historien spécialiste de l’Italie interrogé par FRANCE 24, Giulio Andreotti ne restera probablement "pas comme une figure lumineuse" de l’histoire de la péninsule. "Sa vie a épousé l’histoire italienne depuis 1946 mais elle est également liée à la plupart des grands traumatismes qu’ont connu les Italiens, comme l’affaire Aldo Moro. Il laissera sans doute l’image d’une certaine manière de faire de la politique où se mélangent affairisme et criminalité. En somme, une image plutôt négative", estime-t-il.

Doté d’un esprit brillant et d’un charisme indéniable, il savait faire de son sens de l’humour une arme redoutable. "Le pouvoir n’use que ceux qui ne l’ont pas", avait-il ainsi déclaré à l'encontre de son ennemi de toujours, le Parti communiste italien. Plus tard, ironisant sur les accusations qui pesaient contre lui, il avait également lancé l’une de ses formules les plus célèbres : "En Italie, on me tient pour responsable de tout sauf des guerres puniques, car j’étais trop jeune à l’époque".

À l’image sulfureuse de ce "latiniste chevronné" s’ajoute une dimension extrêmement mystérieuse due, notamment, à ses liens très étroits avec le Vatican, ajoute Jean-Yves Fretigné. Surnommé le "Pape noir", Giulio Andreotti "se rendait tous les jours à la messe" et s’était lié d’amitié avec six papes.

Pouvoir, religion, mafia… Autant d’ingrédients participant à l'édification du "mythe Andreotti", incontournable animal politique qui disait il y a encore peu vouloir attendre son 100e anniversaire pour faire enfin la fête.

Avec dépêches