Le Parlement a adopté mardi le projet de loi ouvrant le mariage et l'adoption aux couples homosexuels. Mais la loi Taubira peut-elle être retoquée, comme le souhaite l'opposition ? Éléments de réponses.
La France est devenue mardi 24 avril la quatorzième nation à autoriser le mariage homosexuel. Victoire pour les uns, sentiment de colère pour les autres, la réforme voulue par le gouvernement a révélé une profonde fracture dans le pays où les opposants ne désarment pas face à ce qu'ils estiment être "un changement majeur de civilisation". Les opposants au mariage pour tous espèrent que la loi sera retoquée par le Conseil constitutionnel.
Des parlementaires de l’UMP et UDI-UC ont en effet déposé au Conseil constitutionnel un recours suspensif. "On vient donc, à peine une heure après, déposer ce recours, un recours très charpenté d'une centaine de page, à la fois sur le déroulement du travail législatif et puis aussi sur le fond, sur le mariage en tant que tel, sur le droit de la filiation, sur l'adoption, donc c'est une recours tout à fait solide", explique à FRANCE 24 Christian Jacob, président du groupe UMP à l'Assemblée nationale.
Les adversaires de la loi Taubira jugent qu'il existe un "conflit de la loi avec les règles en vigueur du droit public international" et que "la définition du mariage, principe fondamental reconnu par les lois de la République, ne peut être modifié par une loi simple".
Ils considèrent, en outre, que la loi bafoue "le principe du droit au respect de la vie privée familiale, le principe de la dignité de la personne et celui d'égalité de la personne". Ils reprochent également à la nouvelle loi de modifier les règles du nom de famille "pour tenter de trouver une solution à l'établissement d' une filiation artificielle". Les pourfendeurs de la loi mettent enfin en cause une "insuffisance manifeste des travaux préparatoires".
"Nous avons anticipé tous les risques"
Les éventuelles failles constitutionnelles, sur lesquelles misent la droite, semblent peu probables aux yeux d’Erwann Binet, député PS de l’Isère. "Nous avons de notre côté anticipé tous les risques d’anticonstitutionnalité. Je suis très confiant sur le fait que le Conseil constitutionnel valide la loi dans son ensemble", assure l’élu. Le mariage entre personnes de même sexe est, en effet, constitutionnel, comme l’ont déjà exprimé les Sages dans une décision du 28 janvier 2011. "Le mariage entre un homme et une femme n'a jamais été considéré comme un droit fondamental. Il relève donc du législateur et non du Conseil constitutionnel", avait alors expliqué le constitutionnaliste Guy Carcassonne à Europe 1.
Reste la question de l’adoption. Au regard de la loi, la chose est plus complexe. "On peut soutenir qu'elle est contraire à l’égalité et à la dignité des enfants", affirme Didier Maus sur le site Libération.fr. Pour d’autres juristes en revanche, à l’instar de Dominique Rousseau, le recours de l’UMP n’est pas recevable. "Toute l’évolution législative récente a consisté à mettre les enfants à égalité de droits, peu importe leur filiation. Qu’ils soient légitimes, adultérins, d’un premier ou d’un deuxième lit, ou encore adoptés...", assure t-il dans le même article. " Ces arguments n’ont pas leur place au Conseil constitutionnel", a-t-il conclu.
Les premiers mariages attendus mi-juin
Pour l’heure, les neuf Sages du Conseil disposent d'un mois pour rendre leur arrêt, soit jusqu'au 23 mai. Un délai qui pourrait être ramené à une semaine si l'Élysée décide de demander l'urgence. Ce qui ne devrait pas empêcher le mouvement de contestation de continuer. Au moins deux manifestations sont déjà prévues, les 5 et 26 mai.
En cas d'alternance, les dirigeants de l'UMP se sont prononcés pour une "réécriture" ou une "modification" de la loi, sans pour autant aller jusqu'à l'hypothèse d'une abrogation, juridiquement très complexe. Sauf coup de théâtre, les premières unions homosexuelles devraient pouvoir être célébrées en France à la mi-juin.