Tout en reconnaissant sa propre implication dans les attentats de Boston lors de son premier interrogatoire, lundi, Djokhar Tsarnaev en a imputé la responsabilité à son frère. Les enquêteurs tentent d'en savoir plus sur leurs motivations.
Inculpé lundi pour sa participation au double attentat du marathon de Boston, Djokhar Tsarnaev a accusé son frère de la responsabilité des explosions. Répondant par écrit aux questions des enquêteurs, il a ainsi déclaré que son frère, Tamerlan, 26 ans, tué vendredi dernier à l'issue d'une course poursuite avec la police, avait dirigé les attaques qui ont fait trois morts et 200 blessés, selon CNN.
"Djokhar Tsarnaev, blessé et détenu dans un hôpital de Boston, a affirmé que son frère voulait empêcher l'Islam d'être attaqué", selon la source citée par CNN. Il a également précisé qu'aucun groupe terroriste international n'y avait pris part.
Selon une chaîne de télévision américaine, une source gouvernementale anonyme a affirmé que "les interrogatoires préliminaires avec Tsarnaev avaient montré que les deux frères pouvaient être considérés comme des jihadistes qui se sont radicalisés par eux-mêmes", en dehors de toute organisation.
Lors de l'inculpation, la juge a affirmé que l'accusé était "alerte, capable mentalement et lucide", selon le ministère de la Justice. Grièvement blessé à la gorge, il a plusieurs fois acquiescé de la tête, répondant simplement "non" lorsque la juge lui a demandé s'il avait les moyens de se payer un avocat. La Maison Blanche a parallèlement annoncé que Djokhar Tsarnaev, qui dispose de la nationalité américaine, ne serait pas considéré comme un "ennemi combattant", statut mis au point après les attentats du 11 septembre 2001.
Le jeune homme arrêté vendredi au terme d’une gigantesque chasse à l’homme est accusé du pire attentat sur le sol américain depuis ceux du 11-Septembre. Les charges retenues contre le jeune Américain de 19 ans comprennent l'utilisation d'"armes de destruction massives" ayant entraîné la mort, selon le ministère de la Justice. Une première audience a été fixée au 30 mai devant le tribunal fédéral de Boston.
Le séjour de Tamerlan au Daguestan en 2012 en question
Les motivations des deux hommes restent cependant obscures, entre la radicalisation islamiste supposée de l'aîné, l'éventuelle emprise sur son cadet ou la frustration sociale de jeunes hommes arrivés aux États-Unis il y a plus de dix ans. Des spécialistes des interrogatoires doivent encore questionner Djokhar Tsarnaev sur d'éventuels complices et d'autres projets d'attentats. Le chef de la police de Boston, Ed Davis, a en effet rappelé qu'ils avaient encore trois bombes rudimentaires à leur disposition lors de leur affrontement avec les policiers.
De son côté, la femme de Tamerlan, Katherine Russell, une Américaine convertie à l'islam avec qui il a eu une fille, a refusé de parler aux policiers, selon son avocat, cité par les médias américains. L'enquête se poursuivait avec l'analyse des relevés téléphoniques, bancaires et des ordinateurs des suspects.
Le FBI cherche notamment à en savoir davantage sur le voyage que Tamerlan Tsarnaev a effectué en 2012 en Russie pour déterminer si les deux auteurs présumés des attentats ont été influencés, voire aidés, par des séparatistes ou des extrémistes tchétchènes. Tamerlan s'était rendu à Moscou en janvier 2012. Il avait passé six mois dans la région, selon une source proche de l'enquête. L'été dernier, il avait passé au moins un mois à Makhatchkala, la capitale du Daguestan, république russe du Nord-Caucase en proie à un soulèvement islamiste, pour aider son père à rénover son appartement sur les bords de la mer Caspienne. On ignore s'il a eu des contacts avec la guérilla, mais ce voyage, auquel s'ajoute un avertissement émanant des services russes à son sujet, a soulevé de nombreuses interrogations quant à l'attitude des autorités. D'autant que Tamerlan Tsarnaev a été interrogé par le FBI en 2011 et que sa demande de naturalisation a été bloquée au département de la Sécurité intérieure qui l'étudiait toujours lors du double attentat.
Une mauvaise orthographe de son nom pourrait par ailleurs être l'une des raisons pour lesquelles il a échappé au radar du FBI et des services secrets russes, a avancé lundi le sénateur américain Lindsey Graham. "Le FBI m'a confié que la raison pour laquelle son nom n'est pas apparu dans le système est qu'il était mal orthographié", a-t-il affirmé, précisant : "Nous ne savons pas si c'est lui qui l'a mal orthographié" ou si c'est la compagnie aérienne russe, Aeroflot.
Avec dépêches