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Djokhar Tsarnaev a été inculpé, à l'hôpital, pour avoir utilisé une arme de destruction massive lors des attentats de Boston. La première audience du suspect, qui encourt la peine de mort, aura lieu le 30 mai devant un tribunal civil.

La justice américaine a formellement inculpé Djokhar Tsarnaev, ce lundi sur son lit d'hôpital, pour les attentats de Boston de la semaine dernière. Il est accusé d'avoir fait "usage et complot d'utilisation d'une arme de destruction massive contre des personnes et des biens aux États-Unis ayant provoqué la mort" en marge du marathon de Boston. Il est aussi poursuivi pour "destruction volontaire de biens au moyen d'un engin explosif", selon un communiqué du ministère de la Justice. Il encourt la peine capitale.

Il sera déféré devant la justice fédérale civile, la Maison Blanche ayant rejeté l’idée de le traduire devant un tribunal militaire d’exception, comme l'exigent certains élus républicains. La première audience aura lieu le 30 mai. 

Le jeune homme de 19 ans, hospitalisé dans un état grave, a repris conscience dimanche soir et a commencé à répondre par écrit aux questions des enquêteurs, selon des médias américains. Des blessures à la gorge et à la langue l’empêcheraient pour l’heure de parler. Selon la chaîne CBS, certains enquêteurs ont émis l'hypothèse qu'il pourrait avoir tenté de se suicider en se tirant une balle dans la bouche.

L'exception de sécurité publique

Djokhar Tsarnaev a été interpellé et hospitalisé après plus de 22 heures de chasse à l’homme. Il est soupçonné d'être l'auteur avec son frère aîné, tué lors d'une fusillade avec la police jeudi sur le campus du Massachusetts Institute of Technology (MIT) de Cambridge, des deux attentats à la bombe du marathon de Boston le 15 avril, au cours desquels trois personnes sont mortes, et 180 autres ont été blessées. De nombreuses questions restent en suspens : "Comment ont-ils planifié et exécuté ces attentats? Et ont-ils reçu une aide quelconque?", s’est ainsi interrogé Barack Obama peu après la capture du suspect.
 

Au vu de la nature de ces crimes, Djokhar Tsarnaev n’est pas un suspect comme les autres pour les autorités américaines. Afin de pouvoir obtenir de lui le maximum d'informations, notamment celle de savoir si les frères Tsarnaev ont agi seuls ou ont bénéficié d'un réseau de soutien, les enquêteurs vont soulever "l'exception de sécurité publique" pour l'interroger.
 
Cette mesure signifie que Djokhar Tsarnaev ne bénéficiera pas pendant quelques jours des droits dits Miranda, qui donnent aux personnes gardées à vue le droit de garder le silence et a le droit d’être assisté d'un avocat pendant les interrogatoires. Durant ce laps de temps, des policiers antiterroristes entraînés à l'interrogatoire de détenus classés comme étant "de grande valeur" attendent de pouvoir l'entendre, a confié à l'AFP un responsable des forces de l'ordre.
 
Selon des sources policières anonymes, les enquêteurs l’ont en premier lieu questionné sur d'éventuels complices et bombes non déclenchées. Dimanche, le chef de la police de Boston Ed Davis a en effet déclaré sur CBS que les frères Tsarnaev étaient équipés pour perpétrer un autre attentat avec des "engins explosifs artisanaux" notamment des "grenades à main artisanales qu'ils ont lancées en direction des policiers". Il a également déclaré que les autorités avaient découvert un arsenal d'explosifs artisanaux après la fusillade de vendredi entre la police et les deux suspects. "Nous avons des raisons de croire, en raison des preuves découvertes sur les lieux - les explosions, les engins explosifs non utilisés et la puissance de feu dont ils disposaient - qu'ils allaient attaquer d'autres personnes", a-t-il dit.
 
Ennemi combattant
Plusieurs sénateurs républicains veulent aller plus loin et n'ont pas hésité à réclamer que Djokhar Tsarnaev, malgré sa naturalisation américaine en 2012, soit désigné comme un "ennemi combattant". Ce statut, celui des détenus de Guantanamo, prévoit qu'une personne puisse être détenue indéfiniment sans procès ou qu'elle soit jugée par un tribunal militaire.
 
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"On a retrouvé des explosifs dans son dortoir universitaire"

L'un des sénateurs, Lindsay Graham, a nuancé cette demande dimanche sur CNN en expliquant que ce statut viserait uniquement à obtenir des renseignements utiles à la lutte antiterroriste mais qui "ne pourront être retenus à son encontre lors de son procès" devant une cour fédérale. "Il aura droit à un procès équitable", a-t-il assuré. Mais "nous devrions être autorisés à l'interroger pour découvrir de futurs attentats et des organisations terroristes dont il pourrait avoir connaissance", a-t-il plaidé.
 

Le Massachusetts n’appliquant pas la peine de mort, le jeune homme ne devrait a priori pas l’encourir. Mais la justice fédérale pourrait en décider autrement.
 
"Le FBI est passé à côté"
Pour l’heure, l'enquête se concentre également sur le parcours de son frère Tamerlan, 26 ans, tué jeudi soir lors d'une course-poursuite avec la police. Les enquêteurs s'intéressent notamment aux six mois qu'il a passés l'an dernier au Daguestan et en Tchétchénie. "Il n'a fait que rendre visite à des membres de la famille", assure son père, Anzor Tsarnaev.
Les autorités russes avaient demandé en 2012 au FBI de faire des vérifications sur Tamerlan, fondées "sur une information selon laquelle il était un partisan de l'islam radical et un fervent croyant et qu'il avait drastiquement changé en 2010", a précisé la police fédérale, qui, faute de trouver des détails compromettants, avait relâché sa vigilance.
 
Le FBI s'est du coup retrouvé dimanche sous le feu des critiques pour ne pas avoir continué à surveiller Tamerlan Tsarnaev à son retour à Boston en juillet 2012. Plusieurs élus démocrates ou républicains sont montés au créneau pour réclamer des éclaircissements.
 
"Il y a beaucoup de questions qui méritent des réponses", a tonné le sénateur démocrate Charles Schumer. "Pourquoi n'a-t-il pas été interrogé à son retour? Et que s'est-il passé en Tchétchénie qui puisse l'avoir radicalisé?", s'est-il demandé. Pour le républicain Lindsay Graham, "le FBI est passé à côté" d'éléments qui auraient pu alerter sur sa radicalisation. "Il allait sur des sites internet qui parlent de tuer des Américains, (...) il émettait clairement des idées radicales, il est allé dans des zones de radicalisme" islamiste, a-t-il énuméré.
Avec dépêches