Accusé par l'UMP d'avoir cherché à blanchir Jérôme Cahuzac, le ministre de l'Économie et des Finances Pierre Moscovici a déclaré jeudi qu'il avait "été utilisé". Les responsables des commissions des Finances du Parlement ont témoigné en sa faveur.
Dans un entretien au site Mediapart, Pierre Moscovici se défend jeudi 4 avril d'avoir communiqué à la presse la réponse de la banque suisse qui mettait apparemment Jérôme Cahuzac hors de cause, aucun compte à son nom n'ayant été trouvé à l'établissement bancaire hélvétique UBS entre 2006 et une période récente.
"J'ai été utilisé", déclare-t-il au site d'informations en qualifiant un article du Journal du Dimanche (JDD) d'"opération de com’ montée par je ne sais qui", une phrase susceptible de viser l'entourage de Jérôme Cahuzac. "J'avais refusé de répondre au JDD, comme le directeur général des finances publiques, comme tous les membres de mon cabinet", insiste-t-il.
Face aux attaques redoublées de l'UMP dont certains responsables l’accusent d’avoir cherché à blanchir Jérôme Cahuzac, Pierre Moscovici a transmis mercredi aux présidents et rapporteurs généraux des commissions des Finances du Parlement les documents échangés entre les administrations fiscales française et suisse.
Jeudi lors d’un déplacement à Strasbourg, il a tenté de se justifier une fois de plus : "Le souci qui était le mien n'était pas de blanchir, pas de couvrir, pas d'entraver, c'était au contraire de concourir à l'établissement de la vérité." "Le ministère des Finances, l'administration fiscale et moi-même avons fait tout ce que nous pouvions, compte tenu des outils dont nous disposions", a-t-il ajouté, dénonçant les "attaques indignes de la droite". "Si on veut cesser les mises en cause stupides, commençons par l'examen des faits, qui est limpide", a-t-il souligné.
"Je ne sais pas s'il a été sincère ou instrumentalisé", dit Mariani
Après analyse des documents, les rapporteurs des commissions des Finances du Parlement ont témoigné en sa faveur. "Je n'ai pas d'élément pour incriminer monsieur Moscovici et encore moins la Direction générale des finances publiques", a dit à Reuters le président de la commission des finances du Sénat, Philippe Marini.
"Est-ce que la DGFip et Pierre Moscovici sont instrumentalisés par Jérôme Cahuzac ? Est-ce qu'ils avaient d'autres possibilités de comportement ? Je n'en sais rien, c'est l'appréciation du juge qui permettra de se faire une opinion", a-t-il ajouté. L'élu UMP rappelle que la France ne pouvait demander aux autorités suisses d'enquêter sur toutes leurs banques et pense que Jérôme Cahuzac se doutait que la demande d'information ne pouvait apporter qu'une réponse négative.
Selon la justice suisse, le compte ouvert à la banque UBS dont disposait Jérôme Cahuzac, mis en examen notamment pour "blanchiment de fraude fiscale", a été en effet transféré au début des années 2000 à la banque Reyl & Cie. Prié de dire si la demande de Bercy aux autorités suisses a pu parasiter l'enquête judiciaire, Philippe Marini estime que "toutes les interprétations aujourd'hui sont possibles".
Quant à savoir si Pierre Moscovici doit démissionner, comme l’a réclamé le député UMP Claude Goasguen, il déclare : "Je ne sais pas si monsieur Moscovici, au milieu de toutes les charges qui sont les siennes, s'est vraiment posé les bonnes questions. Je ne sais pas s'il a été sincère ou instrumentalisé." "Je lui fais par principe crédit parce que je ne vois pas de raisons particulières pour lesquelles il aurait pu être amené à trahir les devoirs de sa charge, sincèrement", a-t-il ajouté.
Pour Christian Eckert, Moscovici a "parfaitement agi"
Le rapporteur général PS de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, Christian Eckert, également destinataire de ces documents, estime de son côté que "Pierre Moscovici a parfaitement agi dans le dossier Cahuzac". "La demande faite aux autorités suisses a été faite dans les formes requises et demandait à titre exceptionnel une réponse plus large en termes de couverture temporelle que celle prévue par la convention", écrit-il dans un communiqué.
Leur réponse "confirme l'absence de compte ouvert à l'UBS au nom de Jérôme Cahuzac ou de compte dont il serait ayant droit pour les périodes allant de 2006 à 2010", ajoute-t-il. "Si d'autres questions restent évidemment encore sans réponse, le rôle de l'administration fiscale et celui de Pierre Moscovici sont clairs et transparents, et sont juridiquement et moralement exempts de tout reproche", poursuit-il.
Avec dépêches