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Le tribunal de Munich suscite la polémique en privant les médias turcs d'accréditations pour le procès de cinq militants néonazis accusés de plusieurs meurtres racistes, notamment ceux de huit immigrés turcs.
Alors que le procès de néonazis allemands accusés de meurtres racistes va s’ouvrir le 17 avril prochain, les médias turcs risquent de ne pas pouvoir assister aux audiences.
Le tribunal de Munich a reçu des centaines de demandes d’accréditations pour le jugement de Beate Zschäpe et de ses quatres complices du commando baptisé Mouvement clandestin national-socialiste (NSU) soupçonnés d’avoir tué dix personnes, dont huit Turcs, entre 2000 et 2007.
Face à ce vif intérêt médiatique, les magistrats ont accordé des sièges aux 50 premières demandes, mais aucun n’a été attribué à la presse turque.
"Un scandale et une honte"
Choquée par cette décision, la communauté turque a appelé le tribunal à revoir sa liste. "C’est un scandale et une honte", a ainsi déclaré le président de la communauté turque d’Allemagne, Kenan Kolat, dans les pages du journal Berliner Zeitung. Le journal turc Milliyet a, quant à lui, dénoncé une "justice à l’allemande".
En Allemagne, de nombreuses voix se sont élevées pour critiquer cette exclusion. "Par respect pour les victimes et leurs familles et pour rétablir la confiance, il est absolument nécessaire que les médias turcs et grecs [un immigré grec a aussi été tué par la cellule néonazie, NDLR] soient dans la salle", s’est ainsi emportée Maria Böhmer, la ministre d’État en charge des Migrations et de l’Intégration.
Barbara John, l'une des représentantes des familles des victimes, a aussi crié à l’injustice. "Le procès ne sera pas seulement suivi en Turquie. Il y a aussi beaucoup d’immigrés turcs en Allemagne qui lisent toujours des journaux turcs ou qui regardent la télévision de leur pays", a-t-elle expliqué au Mitteldeutsche Zeitung.
"Premier arrivé, premier servi"
L’association des journalistes allemands a aussi fait part de son grand étonnement. Le quotidien allemand Bild a même offert de céder sa place à un confrère du journal turc Hürriyet, mais le tribunal de Munich a refusé cette proposition.
Les magistrats bavarois ne veulent pas revenir sur leur décision car ils estiment qu’ils ont simplement suivi la procédure. La juge Margarete Nötzel s’est ainsi justifiée dans le journal britannique The Independent en parlant de “premier arrivé, premier servi”. Selon cette magistrate, si d’autres critères avaient été pris en compte, le tribunal aurait été accusé "de parti pris politique".
Une mauvaise image de l’Allemagne
Mais cette polémique dépasse la seule sphère médiatique. L’ambassadeur turc n’a pas non plus de place réservée lors du procès. "Il va devoir s’asseoir dans la galerie des visiteurs, peut-être même avec des partisans de la cellule néonazi", s’étonne la Deutsche Welle. Interrogé par le média allemand, Faruk Sen, ancien directeur du Centre d’études turques à Essen, estime que cette situation donne l’impression que "le gouvernement allemand veut cacher quelque chose car il n’y aucun signe qui montre que le ministère de la Justice a l’intention d’intervenir à ce sujet".
Selon ce spécialiste de la communauté turque, ce procès à caractère raciste pourrait en effet "avoir des conséquences sur l’image de l’Allemagne en Turquie" et refaire surgir un scandale. À l'époque des faits, la police allemande avait ainsi été vivement critiquée pour ne pas avoir arrêté à temps cette série de meurtres xénophobes.
Le chef des renseignements généraux avait même dû démissionner après la révélation de relations entre des membres des RG et des milieux néonazis. Selon des médias allemands, des agents avaient détruit volontairement des dossiers contenant des informations sur des cellules d'extrême droite.