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La Ligue arabe consacre "sa rupture définitive" avec le régime des Assad

L'opposition syrienne a vécu une journée historique au cours du sommet annuel des chefs d'État arabes, ce mardi, au Qatar où la Coalition nationale syrienne s'est vu confier le siège de la Syrie à la Ligue arabe.

Empêtrée dans d’interminables divisions et souvent critiquée pour son incurie depuis le début de la crise en Syrie en mars 2011, l’opposition syrienne s’est offert un moment historique, mardi 26 mars, au Qatar, où se tenait le 24e sommet ordinaire arabe.

La Coalition nationale syrienne, principale structure de l'opposition, s’y vue confier à Doha, sur fond de pressions qataries, le siège de la Syrie, vacant depuis la suspension en novembre 2011 du régime du président Bachar al-Assad.
"D'un statut d’observateur à celui de partenaire"
"Il est désormais clair aujourd’hui d’un point de vue international que la Coalition nationale est le représentant légitime et juridique du peuple syrien, passant d’un statut d’observateur à celui de partenaire", a réagi sur FRANCE 24 Saleh al-Moubarak, un membre de l’opposition syrienne présent à Doha.
Même le drapeau de la révolution syrienne a remplacé celui de la République de Syrie dans la salle où s'est ouvert ce rendez-vous annuel en présence de nombreux chefs d’État. Et lorsque le chef démissionnaire de la Coalition, Ahmad Moaz al-Khatib, a pris place sur ce siège aux mains du clan Assad depuis une quarantaine d’années, il a été accueilli par un tonnerre d’applaudissements.
"Cet évènement hautement symbolique consacre une rupture définitive avec le régime baasiste de Bachar al-Assad, ce qu’il n’était pas aussi évident de faire avec une puissance régionale comme la Syrie, et légitime un peu plus la Coalition déjà reconnue comme la représentante du peuple syrien par des dizaines de pays dont la France", explique à FRANCE 24 Khattar Abou Diab, politologue spécialiste du monde arabe et enseignant à l’université Paris-XI.  Cet évènement, cependant, est encore loin de signifier que la page est tournée en Syrie.
Plaidoyer en faveur du peuple syrien
Manifestement ému par les circonstances et prenant la mesure du poids de la décision arabe de confier à l’entité qu’il préside la représentation de la Syrie, Ahmad Moaz al-Khatib a livré de son côté un discours passionné. Une sorte de plaidoyer en faveur du peuple syrien "massacré depuis deux ans sous les yeux du monde entier". Sur le plan diplomatique, l'ancien imam de la mosquée des Omeyyades à Damas a réclamé que l'opposition obtienne "le siège de la Syrie à l'ONU et dans les organisations internationales", tout en rejetant toute ingérence extérieure en affirmant qu'il revenait au "seul peuple syrien de choisir celui qui le dirigera, et la manière dont il sera gouverné", et qu'"aucun pays étranger ne le fera à sa place". "Le peuple syrien refuse tout mandat" et "l'opposition ne vendra pas son pays", a-t-il insisté.
"Ce discours chargé en émotions et qui ressemblait plus à un prêche tant Al-Khatib s’est gardé d’employer la langue de bois diplomatique d’usage, est en phase avec la population syrienne", estime Khattar Abou Diab.
Un chef démissionnaire de plus en plus populaire
Ironie de l’histoire, c’est en tant que chef démissionnaire de la Coalition qu'Ahmad Moaz al-Khatib a prononcé ce discours très applaudi à Doha. Dimanche, il avait annoncé sa démission surprise pour protester contre l'inaction de la communauté internationale tout en accusant des pays soutenant l'opposition "de tenter de contrôler la révolte". Selon plusieurs experts, des tensions et des tiraillements entre des forces régionales (Arabie saoudite et Qatar notamment) sont à l’origine de sa démarche. "Le chef de la Coalition craignait d’être l’objet d’une tentative visant à l’isoler au sein de l’opposition après la nomination du Premier ministre intérimaire Ghassan Hitto, considéré comme un proche des islamistes", décrypte Khattar Abou Diab.
Toutefois, Al-Khatib a affirmé pendant le sommet arabe avoir "entière confiance" en Ghassan Hitto, après qu'un opposant a affirmé qu'il reprochait au Qatar d'avoir imposé l'élection d'une personnalité soutenue par les Frères musulmans.
"Ahmad Moaz al-Khatib a failli démissionner plusieurs fois, et si au moment de son élection en novembre dernier il était clair qu’il n’avait pas l’étoffe d’un homme d’État, force est de constater qu’il est très populaire en Syrie, et qu’il se détache clairement de ce point de vue par rapport aux autres figures de l’opposition", juge Khattar Abou Diab. Et de conclure : "On ignore s’il reviendra sur sa décision de démissionner, mais un évènement tel que celui d’aujourd’hui peut le faire changer d’avis et lui donner l’envie de persister si on le laisse, comme il le désire, restructurer l’opposition afin de minimiser l’impact des islamistes".