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Mariage gay : "L’opinion publique américaine est mûre pour légiférer"

La Cour suprême des États-Unis ouvre, ce mardi, son débat sur la délicate question du mariage homosexuel. L'occasion pour les Sages de légiférer sur le plan national alors que l'opinion publique y est de plus en plus favorable.

C’est une session historique qui s’est ouverte, ce mardi, à la Cour suprême des États-Unis. Durant deux jours, les neuf Sages qui la composent doivent débattre de la question du mariage homosexuel suite à deux recours engagés par des couples homosexuels. Dans un premier temps, ils vont étudier l'interdiction du mariage des couples de même sexe en Californie. Puis, mercredi, ils se pencheront sur la loi fédérale de défense du mariage qui empêche les époux homosexuels d'être reconnus comme tels au niveau fédéral.

Cette audience pourrait conduire les Sages à légiférer d’ici juin sur le mariage homosexuel dans tout le pays. Pour l'heure, il est autorisé dans neuf des cinquante États du pays ainsi que dans la capitale fédérale, Washington. Les juges pourraient saisir cette occasion pour suivre l’opinion publique américaine qui se montre de plus en plus favorable sur le sujet.

Un sondage conduit début mars par le Washington Post et ABC révèle que 58 % des Américains y étaient favorables. Selon une autre étude menée par le Public Religion Research Institute, 52 % des personnes interrogées se prononcent en faveur du mariage gay (42 % contre), ainsi que 57 % de Californiens. Signe que les mentalités ont évolué puisqu’en 2008, ils étaient plus de 52 % dans cet État à s'opposer au mariage entre couple du même sexe.

Évolution

Nombreuses en effet sont les personnalités à avoir changé d’avis sur la question ces derniers mois. Barack Obama le premier : après s’être prononcé contre le mariage homosexuel en 2008, le président des États-Unis a déclaré avoir changé d’avis au printemps dernier au gré des discussions avec ses filles ou avec ses amis gays. Ce mois-ci, l’ancienne secrétaire d’État Hillary Clinton a aussi ouvertement affiché sa position. Et, last but not least, l’ancien locataire de la Maison Blanche, Bill Clinton, a récemment appelé à invalider la loi fédérale sur la défense du mariage traditionnel, qu’il avait lui-même signée en 1996.

Au sein du Parti républicain, le verrou sur la question est également en train de sauter. Le sénateur de l’Ohio, Robert Portman, a rejoint le camp des "pro" ce mois-ci depuis q’il a appris que son fils était gay. L’influent et très conservateur Karl Rove a également envisagé, lundi 25 mars, que le prochain candidat républicain à la présidence américaine soit favorable au mariage gay, même si la majeure partie de son camp y reste opposée.

De plus, plusieurs cadres du Parti républicain, dont Jon M. Huntsman Jr., ancien candidat à la présidentielle en 2012, et Meg Whitman, ancienne PDG d’eBay qui s’est lancée dans la politique, ont envoyé une circulaire à la Cour suprême pour appeler les Sages à se prononcer en faveur du mariage gay.

"Il faudra du temps pour légiférer au niveau national"

Malgré cet élan en faveur du mariage pour les couples de même sexe, les experts doutent de la capacité de la Cour suprême à légiférer au niveau national. "Certes, l’opinion publique est mûre pour légaliser le mariage homo mais il faudra encore du temps pour légiférer", estime la politologue franco-américaine Nicole Bacharan.

D’une part car la société reste tout de même divisée sur le sujet. "Certes, les opposants n’ont pas de figure de proue comme Frigide Barjot en France, relève cette dernière. Mais les leaders sont néanmoins très actifs au niveau fédéral, et notamment dans des États clés comme la Californie".

D’autre part car la Cour, à majorité conservatrice (cinq conservateurs et quatre libéraux), ne devrait pas adopter un avis aussi catégorique. "Je ne pense pas que les Sages aillent jusqu’au bout car ils ne peuvent pas exacerber la population comme ce fut le cas lors de la légalisation de l’avortement en 1973, ajoute Nicole Bacharan qui fait référence à la décision Roe vs Wade. "À l'époque, beaucoup avaient jugé leur décision trop rapide et trop tranchée pour l’opinion publique." La loi avait déclenché une guerre entre les "prochoice" et les "prolife". "Les juges ne sont pas prêts à ouvrir une autre guerre", poursuit Nicole Bacharan.

D’autant que, comme l'a déclaré le juge conservateur Kennedy qui défend les droits des homosexuels à la Cour suprême, "une démocratie ne devrait pas dépendre de neuf juges non-élus pour ses décisions majeures". Pour David Cruz, professeur de droit à l'université Southern California interrogé par l’AFP, la Cour risque d'opter pour une "décision limitée à la Californie". Sauf si les juges se posent la question sous l'angle de l'égalité des droits. "Auquel cas, ils pourront difficilement s'opposer à une loi", conclut Nicole Bacharan.

Toutefois, une surprise n’est pas à exclure, avancent les experts. "Si les juges se penchent sur la question de l'interdiction du mariage gay en Californie (ou "Proposition 8"), ils devront accepter la lecture la plus large selon laquelle la Constitution garantit à chacun la liberté d'épouser la personne de son choix", avance David Cruz.