
À 53 ans, Thierry Lepaon a officiellement succédé à Bernard Thibault à la tête de la CGT. Cet ancien soudeur s'est fait connaître lors de la restructuration de Moulinex et a réussi à gravir tous les échelons du premier syndicat de France.
Élu vendredi 22 mars à la tête de la Confédération générale du travail (CGT) lors du 50e congrès du syndicat - le premier de France -, Thierry Lepaon est pourtant inconnu du grand public. Cet ancien soudeur de 53 ans n’était pas le premier choix de son prédécesseur Bernard Thibault, qui aurait préféré qu’une femme, Nadine Prigent, prenne sa place après 14 années de règne.
Mais à la faveur d’une terrible bataille de successions, cet ancien champion d’haltérophilie à la carrure imposante a su se faire remarquer et adouber en novembre 2012 par le Comité confédéral national. Après des mois de lutte interne, Thierry Lepaon a réussi à canaliser les tensions et a appellé à une union retrouvée : "Le rassemblement, à nous, c’est notre seule force. La division, c’est l’arme des employeurs", avait-il alors déclaré aux médias.
Le syndicalisme dans la peau
En matière de combats, ce Normand, né à Caen (Calvados) d’un père maçon et d’une mère cuisinière, sait de quoi il parle. Depuis son premier emploi de soudeur chez Caterpillar à l'âge de 17 ans, il s’est lancé à corps perdu dans le syndicalisme. Un engagement qui lui vaut son premier licenciement pour avoir "monté une section CGT" chez le constructeur d'engins de chantier.
Engagé ensuite à Spie-Batignolles, il perd une nouvelle fois son emploi pour avoir créé une section syndicale. En 1983, il intègre finalement l’usine Moulinex de Cormelles-le-Royal, dans le Calvados, où il reste près de 20 ans avant que le groupe électroménager ne dépose son bilan. Thierry Lepaon se place alors en première ligne pour défendre les salariés et se battre pour les reclassements. Mais cette médiatisation l'éloigne de ses ex-compagnons de lutte qui lui reprochent aujourd'hui d'avoir favorisé sa carrière personnelle au détriment des autres salariés. "Je suis resté dans les responsabilités jusqu’à la signature de l’accord de fin de conflit et j’ai mené tous les combats juridiques. Après, des anciens ont créé des associations auxquelles ils voulaient que j’adhère et j’ai refusé", s’est-il défendu sur France Info.
Après s’être fait un nom dans les piquets de grève et les manifestations, Thierry Lepaon gravit peu à peu les échelons de la CGT. Fin 2001, il prend les rênes du syndicat dans le Calvados. Sept ans plus tard, il conduit même la délégation de la centrale lors de la négociation sur la réforme de la formation professionnelle. Il représente ensuite la CGT au sein du Conseil économique, social et environnemental (Cese). C’est là qu’il se crée un solide réseau. Même ses anciens ennemis louent ses qualités. "C’est un homme lucide, qui travaille, qui connaît ses dossiers, qui mène ses combats", affirme ainsi Pierre Blayau, l’ancien directeur général de Moulinex, interrogé par TF1.
Les chantiers du nouveau secrétaire général
Cette persévérance lui sera utile pour affronter les grands défis auxquels est confronté la CGT. Avec moins de 700 000 adhérents, le syndicat peine à recruter de nouvelles forces. "Le premier défi, c’est de rendre la CGT accessible aux salariés des PME et très petites entreprises", a déjà annoncé Thierry Lepaon.
Le nouveau secrétaire général va devoir aussi faire face à une période de crise et aux nombreuses suppressions d’emplois. Même s’il avoue volontiers être partisan de Jean-Luc Mélenchon, leader de la coalition du Front de gauche, ce syndicaliste qui a sa carte au Parti communiste, se dit aussi prêt au dialogue avec le gouvernement de François Hollande. Dans les pages du journal "Les Échos", il affirme avoir pris ses distances avec le syndicalisme radical : "Je ne veux pas d’une CGT qui se contente de dire non […] La CGT n’est pas et ne sera pas le bras armé du Front de gauche".