, envoyée spéciale au Vatican – Au deuxième jour du conclave qui doit élire le successeur de Benoît XVI, la fumée blanche ne s'est toujours pas élevée dans le ciel de Rome. Place Saint-Pierre, une foule bigarrée se prend à espérer l'élection d'un pape non-européen.
Le Vatican n'en revient pas. S'adressant aux journalistes, ce mercredi, le père Lombardi, porte-parole du Saint-Siège, a évoqué "la surprise" des autorités de l'Église devant l'affluence observée sur la place Saint-Pierre et "l'attente" des gens depuis l'ouverture du conclave.
Il est vrai que les fidèles sont aux rendez-vous. Le ciel pluvieux de Rome ne les a pas dissuadés de se rendre place Saint-Pierre. Armée de parapluies et de capes de pluie, une foule bigarrée a commencé à affluer devant la fameuse basilique à partir de 10 heures pour se densifier aux alentours de midi. Des centaines d’yeux fixent les écrans géants sur lesquels on peut voir en gros plan la cheminée de la Chapelle Sixtine.
Même si les noms de plusieurs favoris ont déjà été évoqués par la presse, nul ne connaît l'issue du scrutin. Un adage romain dit bien d'ailleurs que "qui entre pape dans la Chapelle Sixtine en ressort cardinal". À mesure que le temps passe, le suspense grandit et chacun rêve de pouvoir se faufiler telle une souris à l'intérieur de la Sixtine pour avoir une idée de ce qui s'y trame. En attendant, dehors, ceux qui attendent espèrent que le prochain pape portera la couleur de l'ailleurs.
Représenter les catholiques dans leur diversité
Originaire des Philippines, Maya scrute l'écran géant le sourire aux lèvres. "Je me demande bien qui ça va être", s'interroge-t-elle. "Vous savez, je suis très croyante et j'ai attendu place Saint-Pierre pendant 17 heures une fois, juste pour voir Benoît XVI !", confie-t-elle. Selon elle, le nouveau pape doit "être capable de gérer tous les catholiques, sans discrimination". Car ils ne sont pas tous italiens ou européens. "C'est en Asie qu'on voit la plus grande ferveur", affirme-t-elle. À l'évocation du nom du cardinal philippin Luis Antonio Tagle, son visage s'éclaire. "Bien-sûr que je souhaite qu'il soit élu !", s'exclame-t-elle. "Je serai très fière. Il est si sympathique."
À 55 ans seulement, le cardinal Tagle figure, en effet, au nombre des "papabili". Lors du dernier discours de Benoît XVI aux cardinaux le 28 février, le charismatique archevêque de Manille n'a pas caché son émotion. Il fut le seul à lui chuchoter quelques mots à l'oreille, lui soutirant un franc éclat de rire.
À l'instar de Maya, nombre de fidèles souhaiteraient que le nouveau pape ne soit pas européen. "Il faut que le pape représente l'Église dans sa diversité", estime Ronald. Cet Américain, professeur d'université en Alabama, n'est pas croyant. De passage à Rome avec des membres de sa famille, il a cependant tenu à se rendre place Saint-Pierre et à guetter la fumée des heures durant. "Nous voulions faire partie nous aussi de cette histoire-là", confie-t-il. "L'image de l'Église a été ternie par les scandales de pédophilie. Il faut qu'un changement survienne et peut-être qu'un pape de couleur apporterait cela", remarque-t-il. "Le candidat ghanéen Peter Turkson, par exemple, serait très bien", conclut-il, avant de conclure dans un rire : "On peut toujours rêver".
"Sortir des logiques tribalistes"
Pour une fois, l'élection d'un pape non-européen n’est peut-être pas du domaine du rêve. "Cette fois, c'est peut-être possible", espère ainsi Frère Michael, un moine américano-philippin. Pour lui, l'Église a traversé des temps difficiles ces dernières années, marquées par les scandales de pédophilie, ou celui de VatiLeaks. La démission de Benoît XVI a, elle aussi, profondément marqué les esprits. "C'est un grand changement dans la manière de faire et un encouragement à d'autres évolutions", observe le jeune moine.
Si le 266e pape de l'histoire n'est pas un Européen, ce serait une première depuis 741 et la mort du pape Grégoire III, né en Syrie.