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Le chavisme, un socialisme accro au pétrole

Sous le règne d’Hugo Chavez, le Venezuela est indéniablement devenu un pays plus égalitaire que la plupart de ses voisins de la région. Mais pour le reste de l’économie, le défunt leader n’avait qu'un mot en tête : pétrole.

Après quatorze ans de “socialisme bolivarien”, le Venezuela risque de se réveiller avec une sérieuse gueule de bois économique malgré des apparences trompeuses.

À première vue, Hugo Chavez, qui est décédé mardi 5 mars dans la soirée, a permis à son pays de garder un cap de croissance digne de ses principaux voisins. Le PIB du Venezuela a progressé, en 2012, de 5,2 % contre une moyenne de 3,1% pour l’Amérique latine. Depuis la prise de pouvoir de Chavez en 1999, le rythme de croissance est légèrement inférieur à 3 % soit seulement un peu moins que la super-puissance régionale, le Brésil (+3,3% en moyenne).

Sur un point, le Venezuela s’en sort même mieux que le reste de l’Amérique latine : la réduction des inégalités. Si l’annonce de son décès a été accueillie avec de vives démonstrations de sympathie dans les rues de Caracas, c’est qu'“Hugo Chavez a mis en œuvre une série de mesures qui ont réellement aidé les plus pauvres”, souligne à FRANCE 24 Christine Rifflart, spécialiste de l’économie des pays d’Amérique latine à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Le coefficient de Gini, qui mesure les disparités de revenus, indique qu’en Amérique latine, l'écart entre les plus pauvres et les plus riches est le moins important.

Une politique en faveur des plus démunis qu’Hugo Chavez a pu mettre en œuvre grâce à la manne pétrolière. Car le Venezuela vit, respire et vend de l’or noir avant tout. Plus de 50 % des revenus du pays proviennent du précieux hydrocarbure. “Les exportations vénézueliennes reposent à plus de 90% sur le pétrole et le gaz”, précise Christine Rifflart. Depuis l’arrivée au pouvoir d’Hugo Chavez, le prix du baril de brut a été multiplié par cinq ce qui a permis au Venezuela d’afficher une santé commerciale à toute épreuve.

Pétrole, sinon rien

Revers de la médaille : Hugo Chavez s’est largement reposé sur les lauriers pétroliers de son pays. “Il n’a absolument rien fait pour réduire la dépendance du pays à l’or noir”, confirme Christine Rifflart. De ce fait, l’économie vénézuelienne est l’une des moins diversifiées de la région et le pays doit importer à peu près tout... même l’essence !

“Hugo Chavez n’a eu absolument aucune vision industrialisante pour son pays”, continue cette économiste. Sa principale préoccupation semble avoir été de nationaliser à tour de bras. Sous son règne, le nombre d’entreprises privées est passé de 14 000 en 1998 à 9 000 en 2011. Une chute qui n’est pas du seul fait des nationalisations. Les prises de position clairement anti-libérales du défunt leader charismatique ont aussi eu un impact négatif sur les investissements étrangers qui n’ont été, en 2011, que de 5 milliards de dollars. En Colombie, ils se sont élevés à 13 milliards, tandis qu’au Brésil ils ont atteint 67 milliards de dollars.

Si le taux de chômage s’est maintenu à 8% à un taux similaire à celui de ses voisins, c’est essentiellement grâce à une inflation du nombre d’employés dans les entreprises publiques. Les effectifs de la PDVSA, le géant étatique pétrolier, sont ainsi passés sous l’ère chaviste de 23 000 à 120 000 personnes.

Durant ses quatorze années de règne, Hugo Chavez s’est aussi bien gardé d'"entreprendre les réformes et ajustements macroéconomiques effectués dans la plupart des pays de la région", remarque Christine Rifflart. Résultat : le déficit public est toujours très élevé et, surtout, l’inflation galope à près de 30% depuis plusieurs années. Autant de bombes à retardement que la rente pétrolière empêche d’exploser. Mais pour combien de temps ?