Les huit policiers coupables de la mort d'un Mozambicain, traîné à l'arrière d'un fourgon, près de Johannesburg, ont été arrêtés, ce vendredi. Le supplice, filmé et diffusé sur Internet, provoque l'indignation des Sud-Africains.
L'affaire a provoqué la colère des Sud-Africains. Les images des policiers coupables d'avoir traîné derrière leur véhicule un Mozambicain, décédé au commissariat dans les heures suivantes, ont fait le tour du Net. Les huit policiers auteurs du lynchage ont été mis à pied et arrêtés vendredi 1er mars. La police est plus que jamais sous le feu des critiques pour la violence de ses méthodes et son manque de respect des droits fondamentaux.
Le drame, survenu dans une township proche de Johannesburg, aurait-il eu cette résonance si les médias locaux n'en avaient pas diffusé la vidéo ? Difficile à dire. Mais le scandale provoqué par ces images de policiers menottant le chauffeur de taxi mozambicain mal garé, puis le traînant au sol derrière leur véhicule devant une foule médusée, a obligé les autorités à réagir vite.
Les huit policiers ont été arrêtés dans les locaux du commissariat de Benoni, dans la banlieue est de Johannesburg, et seront présentés lundi à un juge, a indiqué dans l'après-midi à l'AFP un porte-parole de la police des polices, Moses Dlamini (IPID). Le chef du commissariat a, pour sa part, été relevé de ses fonctions et muté pour ne pas compromettre l'enquête.
"C'est une affaire absolument terrifiante", a déclaré à Genève le porte-parole du Haut Commissaire aux droits de l'Homme des Nations unies, Rupert Colville. "Il faut une enquête très rapide" a t-il précisé.
La police des polices a ouvert une enquête pour meurtre, et la dirigeante de la police nationale, Riah Phiyega, a affronté la presse vendredi matin, en direct devant les caméras de télévision.
Les questions témoignaient d'une exaspération certaine, l'un des journalistes demandant notamment si "le nombre de morts dans les commissariats était plus ou moins élevé aujourd'hui que sous l'apartheid", le régime raciste qui réprimait par la violence les volontés d'émancipation des Noirs, avant l'instauration de la démocratie en 1994. "Chaque mort est une mort de trop", a répondu Mme Phiyega.
En 2010-2011, près de 800 personnes sont mortes en garde à vue
Le chauffeur de taxi Mido Macia, 27 ans, a été retrouvé mort dans sa cellule deux heures environ après l'incident. L'autopsie a révélé qu'il avait succombé à un traumatisme crânien et une hémorragie interne. Le jeune homme, qui avait émigré en Afrique du Sud à l'âge de dix ans, "n'avait jamais posé de problème dans la population et était toujours prêt à rendre service", a témoigné une voisine sur un média local.
En 2010-11, près de 800 personnes sont mortes en garde à vue ou du fait de la police, selon l'autorité de contrôle de l'institution, et en 2011, la mort en direct d'un manifestant torse nu et non armé, Andries Tatane, frappé à mort, avait déjà mis le pays en émoi.
"Le cœur de notre action, c'est la lutte contre le crime. Que ce soit dans les rangs de la police ou à l'extérieur, nous devons nous y attaquer", a martelé vendredi la patronne de la police, qui n'avait pas brillé par sa compassion pour les victimes lors du dernier scandale impliquant ses services, lorsque les policiers avaient abattu 34 mineurs grévistes à Marikana en août 2012.
Interrogée par l'AFP en marge de la conférence de presse, Mme Phiyega a cependant semblé trouver normal que la police, un corps de 200 000 hommes, soit contaminée par la violence de la société sud-africaine: "La police est une énorme institution, alors ce type d'incidents [...] ça arrivera toujours. Et parce que ça arrivera toujours, la grande question est: comment y remédier ?".
"Si un enfant fait une bêtise, a-t-elle poursuivi, il est important que les parents interviennent et montrent qui commande en disant : ce genre de chose, ce n'est pas ce que nous voulons. Nous avons des règles, des protocoles pour agir".
Des relations tendues entre police et citoyens
La mort de Mido Macia a remis au premier rang de l'actualité les relations tendues qu'entretiennent les Sud-Africains avec leur police. "Ce sont des criminels en uniforme, on n'en veut plus", s'insurgeait jeudi Bongani Hlela, un vendeur ambulant de Daveyston, le lieu du drame, reflétant un sentiment largement partagé dans ces quartiers populaires : la peur des uniformes.
La police sud-africaine est connue pour son manque de formation et des méthodes parfois brutales. Elle est réputée corrompue, défaillante en matière de maintien de l'ordre, et prompte à embarquer quiconque lui semble suspect. Selon une association, plus de la moitié des arrestations en 2012 concernait des faits "moins graves qu'un vol à l'étalage".
Les criminologues expliquent les comportements violents des policiers par leur niveau de stress, dans un pays où des agents en service sont régulièrement abattus par des malfaiteurs. "Lorsque vous voyez un criminel pointer une arme vers vous, ne souriez pas. Le canon n'est pas une caméra. Tirez les premiers pour protéger votre vie", avait préconisé en 2011 un ancien chef de la police lors de funérailles de policiers.
avec dépêches