Le Real Madrid et le FC Barcelone s'affrontent, samedi, pour la 2e fois en une semaine. Le journaliste Thibaud Leplat a consacré un livre à ce Clasico, l'un des plus grands duels au monde. Pour l'auteur, cette rivalité dépasse la sphère du football.
Ce samedi après-midi, les supporters de football seront au rendez-vous devant leur télévision pour assister au duel de championnat entre le Real Madrid et le FC Barcelone. De Buenos Aires, à Bamako, en passant par Pékin, l’engouement pour le Clasico est planétaire. Le monde du ballon rond se divise en deux : entre les fans des Merengues (les "Meringues", d'après la couleur blanche de leur maillot) ou des Blaugranas (Les Bleus et Grenats).
Le journaliste français Thibaud Leplat, correspondant à Madrid de plusieurs médias sportifs, s’est interrogé dans son livre intitulé "La guerre des mondes"*, sur l’incroyable popularité de ce duel. À travers les grands joueurs, les matchs de légendes, mais aussi les petites histoires de vestiaires, il décrypte ce qu'il considère comme "la plus grande rivalité sportive de tous les temps".
Les trahisons
Depuis leur première rencontre, le 13 mai 1902 (remportée par le FC Barcelone 3-1), le Real et le Barça s’affrontent au moins deux fois par an. En 110 ans, la passion autour de ce choc des géants n’a jamais faibli.
Dans les pages de son ouvrage, Thibaud Leplat revient sur les racines de cet amour-haine. Selon lui, la première grande déchirure date de 1953. Les Barcelonais n’ont jamais pardonné à leurs rivaux de leur avoir "volé" l’Argentin Alfredo Di Stefano. "À cette époque, le plus grand joueur sud-américain devait s’unir au FC Barcelone, mais par un coup de Trafalgar, le Real a réussi à le faire signer. Il arrive à Madrid et gagne cinq coupes d’Europe d’affilée ! C’est un mythe fondateur qui crée une véritable névrose", raconte-t-il à FRANCE 24.
Près de 50 ans plus tard, en 2000, la malédiction se répète avec le transfert du Portugais Luis Figo du Barça vers le Real. "C’est vécu comme une trahison. Il y a un complexe de persécution qui se réactive à chaque fois. Il n’y a qu’à voir l’enjeu de la clause libératoire de Lionel Messi. Elle est augmentée régulièrement de dizaine de millions d’euros car les Barcelonais ne veulent pas que cette histoire se reproduise", explique Thibaud Leplat.
Une histoire du 20e siècle
Mais au-delà de l’aspect purement sportif, cette rivalité a aussi été marquée par les bouleversements politiques qu’a connus l’Espagne au 20e siècle. En 1943, quatre ans après la fin de la guerre civile, les deux clubs s’affrontent en demi-finale de la future Coupe du Roi. Alors que le match aller se solde par un 3-0 pour le Barça, le match retour, qui a lieu à Madrid, se termine sur un score suspect de 11-1 en faveur du Real. Certains observateurs soupçonnent la police du généralissime Franco d’avoir intimidé les joueurs catalans.
À partir de cette date, la rupture est consommée. Alors que le Real est considéré comme le club proche du pouvoir, le Barça se construit en revendiquant son identité catalane et sa résistance au centralisme de Madrid. Dans l’imaginaire collectif, les Madrilènes sont de droite et les Barcelonais de gauche.
Cette vision est toutefois un peu réductrice, selon Thibaud Leplat : "On accuse le Real d’avoir été proche de Franco, mais durant les 14 premières années du franquisme, le club n’a rien gagné alors que le Barça a été champion d’Espagne à plusieurs reprises. De son côté, le FC Barcelone était aussi, autrefois, un club très conservateur qui représentait la bourgeoisie catalane".
Une fin de cycle
Les enjeux politiques sont désormais éclipsés par des duels d’hommes. Au début des années 2010, la féroce concurrence entre les entraîneurs José Mourinho et Josep Guardiola et les attaquants Cristiano Ronaldo et Lionel Messi tient en haleine des millions de supporters. "Il y avait un aspect mythologique !", s’enthousiasme Thibaud Leplat.
Mais le départ de "Pep", le coach du Barça, en 2012, change la donne. Les récents Clasicos sont moins électriques que par le passé : "Les deux équipes semblent en fin de cycle. C’est la fin de l’époque Mourinho qui quitte le Real à la fin de la saison et, à Barcelone, on ne sait pas qui est le chef avec l’absence de Tito Vilanova [soigné pour un cancer, NDLR] et l’intérim de Jordi Roura. Ils essayent de se réinventer".
Malgré cette baisse de régime, la ferveur sera toujours aussi forte dans les gradins du stade Bernabeu à Madrid lors du Clasico, ce samedi. Après l’écrasante victoire du Real (3-1) en début de semaine en Coupe du Roi, Thibaud Leplat s’attend à un duel acharné : "Je vois bien un match nul du Barça qui va reprendre des couleurs. Ils ne vont pas laisser le Real se promener une nouvelle fois !".
*"Clasico, la guerre des mondes", de Thibaud Leplat (édition Hugo & Cie).