
Le scandale de la viande de cheval ne fait pas le malheur de tous : les éleveurs français rebondissent sur cette affaire pour valoriser leurs produits. FRANCE 24 a rencontré ceux qui tirent bénéfice de la vente directe au consommateur.
Le meilleur remède à la tromperie sur les plats cuisinés contenant de la viande de cheval ? Acheter de la viande fraîche, et si possible produite localement. Mieux encore, la vente directe, de l’éleveur au consommateur. Le créneau est porteur pour de nombreux exploitants.
Éleveur dans le canton de Fronsac (en Aquitaine), Bernard Gilpa a installé sa boucherie à côté de son exploitation agricole, et vend aussi du vin. "On fait visiter aux clients le cheptel, ils connaissent les propriétaires des animaux, et ils ont confiance", explique-t-il lors du Salon de l’Agriculture, qui a ouvert ses portes samedi 23 février à Paris. "C’est rassurant pour le client, et ça vaut aussi le coup pour nous. On récupère un maximum de marge et on évite que les commerciaux vivent sur notre dos."
Si le "circuit court" est encouragé par les Chambres d’agriculture en France, qui y voient un débouché favorable pour les exploitants et pour les consommateurs, ce système se heurte à des difficultés sur le terrain. La fermeture de nombreux abattoirs locaux oblige les éleveurs de vaches à viande, soit à faire de longs trajets pour trouver un abattoir, soit à renoncer à la vente directe. Autre difficulté, ce système de vente demande "pas mal de travail", reconnaît Jean Baritault, un jeune éleveur installé également en Gironde, près de Bazas. Il faut s’organiser pour l’abattage, trouver les clients, les fidéliser… "Si les clients reviennent, c’est que le pari est gagné. En plus, ils nous donnent directement leur avis sur la marchandise, c’est instructif pour nous."
Tous les exploitants agricoles n’ont pas la possibilité de vendre localement. Un producteur de lait, par exemple, n’a pas les mêmes facilités qu’un producteur de viande, parce que le lait n’est pas valorisé de la même manière : son coût est très peu élevé. Jean-Jacques Leru venu des Côtes d’Armor pour le Salon de l’Agriculture, a déjà réfléchi au meilleur moyen de vendre sa production sur place. Mais il a vite renoncé. Cet éleveur s’apprête à reprendre, en avril prochain, une exploitation de vaches laitières qui vend annuellement 500 000 litres de lait à une laiterie. "Si je vends local, j’écoulerais environ 100 000 litres. Que faire du reste ? La laiterie ne voudra pas m’acheter le reste du stock, j’aurai perdu ma crédibilité."
Qui dit vendre local dit savoir transformer localement. Un producteur de lait a ainsi tout intérêt à vendre des yaourts et du fromage pour valoriser sa matière première. "Mais je suis producteur, pas commercial !", explique Jean-Jacques Leru. "Déjà, on me demande d’être pointu dans plein de domaines pour être agriculteur. Savoir transformer son lait est encore un autre métier. Je ne peux pas me diversifier à outrance, à moins d’embaucher des professionnels, ce qui engagerait beaucoup de frais."
D’après une enquête de 2005 (qui paraît tous les 10 ans), 88 000 agriculteurs (16,3% de la profession) pratiquent la vente directe de produits. Leur nombre est cependant en recul par rapport à l’année 2000. Non pas que le système n’ait pas fait ses preuves, mais parce que le nombre d’exploitants est en recul, notamment dans la région hyper-urbanisée d’Ile de France. A contrario, le phénomène est en hausse en Rhône-Alpes, Aquitaine et Midi-Pyrénées.