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L'étiquetage des plats cuisinés, nouveau credo des professionnels de la viande

Après le scandale de la viande de cheval, le chef de l'État, François Hollande a promis un étiquetage des plats cuisinés. Entretien au salon de l'Agriculture avec le directeur d'Interbev (syndicat de la filière viande).

L’étiquetage obligatoire des plats cuisinés : l’engagement est pris par le président François Hollande alors qu’il arpente les allées du Salon de l’agriculture, rendez-vous annuel des éleveurs et des producteurs de l’agro-alimentaire qui a ouvert ses portes, samedi 23 février à Paris.

Révélé début février par les autorités britanniques, le scandale de la viande de cheval a touché d'autres pays européens, notamment la France. Ce samedi, c'est en Italie que de la viande non bovine a été trouvée dans des lasagnes à la bolognaise fabriquées par l'entreprise Primia, dans la région de Bologne.

François Hollande a déclaré qu'il souhaitait convaincre ses partenaires européens de la nécessité d'"un étiquetage obligatoire" de l'origine des viandes entrant dans la composition des plats cuisinés, soulignant que cela prendrait "quelques mois".

Au salon de l’Agriculture, les professionnels du secteur veulent "défendre leur bifteack" et se saisissent de ce scandale pour faire entendre leur voix. Yves Berger, directeur général de l’interprofessionnelle du bétail et de la viande, Interbev - syndicat qui détient le label "viande bovine française" (BVF) - revient en détail sur les revendications de la filière viande et sur les négociations en cours avec le gouvernement et Bruxelles.

FRANCE 24 : Où en êtes-vous des négociations pour une meilleure traçabilité de la viande dans les plats cuisinés ?

Yves Berger : On a déjà eu deux réunions plénières en présence des deux ministres en charge de l’Agroalimentaire, Stéphane Le Foll et Guillaume Garrot et le ministre en charge de la Consommation, Benoît Hamon. Nous devons faire en sorte de limiter les risques, même si cela ne veut pas dire que la fraude ne peut pas exister. Et parmi ces moyens, nous avons proposé d’étendre aux plats cuisinés à base de viande la réglementation qui existe déjà sur la viande fraîche : l'étiquetage avec le pays de naissance et le pays d’abattage. Et s’il s’agit du même pays, par exemple la France, apposer le logo VBF (Viande bovine française).

Nous demandons que lorsqu’on livre de la matière première qui rentre dans la composition de plats cuisinés, on indique ces précisions au transformateur - celui qui fabrique les lasagnes par exemple -, et que ce soit transmis au consommateur. Cela permettra d’éviter les fraudes. Or, si c’est uniquement marqué Union européenne, c’est trop large, il peut y avoir tromperie.

FRANCE 24 : Mais ces informations ne sont-elles pas déjà fournies au transformateur ?
Yves Berger : Nous donnons l’information au transformateur, mais ce n’est pas inscrit sur le produit vendu à la consommation. Les industriels disent que c’est compliqué de différencier les lots par pays, parce qu’ils mélangent les viandes de différentes origines, ils trouvent plus simple d’apposer une étiquette Union européenne. Interbev

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Visite au salon de l'agriculture
L'étiquetage des plats cuisinés, nouveau credo des professionnels de la viande

propose qu’ils séquencent leur production : à un moment, ils produisent à partir de la viande de tel pays, ensuite d'un autre...

Mais ils rétorquent que leurs emballages ne conviennent pas, qu'ils ne vont pas pouvoir indiquer tous les pays! Nous leur répondons : vous ne le mettez pas sur l’emballage, mais sur l’étiquette poids-prix. L’idéal serait d’utiliser de la viande française systématiquement, et d’apposer le logo VBF sur l’emballage.

Mais pour cela, nous avons plusieurs contraintes : il faut d’abord avoir le droit de le faire. Or cela relève du droit communautaire à la concurrence, il faut que les textes évoluent au niveau de Bruxelles. Des discussions sur le sujet étaient déjà en cours, avant la crise, mais elles ne devaient aboutir que fin 2014. Bruxelles impose un processus long, il faut mettre tout le monde d’accord. A présent, nous espérons pouvoir gagner le maximum de temps. La crise étant européenne, cela facilite les choses. Les Allemands sont sur la même longueur d’onde, le Royaume-Uni a voté comme les Français – ce qui est assez nouveau dans le domaine agricole.

Cela n’avance toutefois pas assez vite à notre goût. C’est la raison pour laquelle nous proposons que les choses se fassent de façon volontaire. Findus a déjà pris l’engagement de tout tracer et d’adopter le logo VBF. Or ce logo est propriété d’Interbev et nous vérifions que les fournisseurs sont bien adhérents à la démarche avant de donner notre accord… Cela devrait prendre une dizaine de jours. Carrefour a également annoncé ce matin qu’il allait tout vendre en VBF. Intermarché fait pareil. On compte beaucoup sur la base pour pousser.

FRANCE 24 : C’est une occasion en or pour vous de valoriser la viande française ?

Yves Berger : Bien sûr ! Même si on se passerait volontiers de cette crise, il est certain que, en ce qui concerne la viande fraîche du moins, on ne note pas d’évolution à la baisse de la consommation. Ce n’est pas une crise sanitaire où les gens se détournent massivement de la viande. Au contraire, les consommateurs préfèrent se tourner vers leur détaillant, leur boucher, et fabriquer eux-mêmes leurs lasagnes. Même dans les supermarchés, on note un plus grand intérêt pour le rayon boucherie.

Mais vous pourriez avoir la même confiance sur les produits cuisinés, à partir du moment où l'industriel ne mélange pas plusieurs sources. C’est vrai en viande bovine, peut-être aussi en viande porcine : le consommateur va de plus en plus chercher une assurance sur l’étiquette.

La distribution a parfaitement compris que si le consommateur ne vient plus acheter le produit, il n’y a plus de distributeur ! Il a intérêt à ce que le consommateur soit rassuré pour revenir acheter chez lui.