
Un document, rédigé en 2011 par l'un des dirigeants d’Al-Qaïda à l'intention de ses membres, a été découvert à Tombouctou, au Mali. Il présente une liste de 22 conseils et astuces pour échapper aux drones de combat.
La photocopie se trouvait dans un bâtiment abandonné de Tombouctou, au Mali. Le document, laissé par des islamistes fuyant l'armée française, et récupéré par un journaliste de l’agence de presse américaine Associated Press, est une liste, écrite en arabe, de 22 conseils prodigués aux djihadistes du monde entier pour échapper à la vigilance et aux frappes aériennes de drones militaires.
Rédigé en 2011 par Abdallah Ben Mohammed, nom de guerre de l’un des dirigeants d’Al-Qaïda au Yemen, ce guide de survie pour terroristes n’avait, jusqu’alors, jamais été traduit en anglais. Il a été authentifié par Mathieu Guidère, islamologue à l’Université de Toulouse.
Ces conseils sont publiés régulièrement sur des sites internet proches de la mouvance d’Al-Qaïda. Mathieu Guidère a pu en retrouver quelques-uns sur la Toile après les frappes de drones qui ont tué le célèbre prédicateur islamiste Anwar al-Awlaki en septembre 2011 et le numéro 2 d’Al-Qaïda Abou Yahya al-Libi au Pakistan en juin 2012.
Les arbres de Ben Laden
Cette liste est à la fois un guide d’achat de matériels russes et de mesures à prendre pour échapper aux drones de combat. Les conseils numéro 1 et 2 font ainsi référence à des solutions informatiques russes permettant de pirater à distance ces avions sans pilote ou brouiller leurs fréquences. Abdallah Ben Mohammed précise même le prix d’un de ces programmes (plus de 2 000 dollars) et affirme qu’il faut avoir des “compétences en informatique pour s’en servir”.
Le reste relève davantage du "système D". Les terroristes sont ainsi priés d’utiliser des “morceaux de vitre sur les voitures et les toits afin de refléchir le soleil” pour compliquer la surveillance du ciel (conseil numéro 3). Il leur est également suggéré de créer de faux attroupements en utilisant des poupées et des mannequins (conseil numéro 18).
Ou alors de se mettre à l’abri d’arbres épais - précaution qu'aurait proposée en personne le défunt leader du réseau terroriste, Oussama Ben Laden. Dans un courrier, ce dernier appelait "ses frères" d’Al-Qaïda au Maghreb à "planter des arbres qui donneront aux moudjahidins la liberté de se mouvoir à l’abri de la vigilance des avions espions".
Une méthode qui a d’ailleurs été utilisée, rappelle AP, par les rebelles au Mali. Un enseignant raconte que les islamistes avaient choisi sa “maison parce que d’après eux elle était entourée de beaucoup d’arbres”, rapporte l’agence de presse américaine.
“Loin d’être idiots”
Peu anecdotique, “cette preuve de la communication entre les différentes branches de ce réseau terroriste montre qu’il n’y a pas d’isolement des cellules de combattants comme on a pu le penser par le passé”, affirme Bruce Riedel, le directeur du Intelligence project (programme de recherche sur le renseignement) au think tank américain Brookings Institute.
La découverte du document prouve aussi qu’Al-Qaïda “réflechit depuis longtemps à la problématique des drones”, remarque l’universitaire français Mathieu Guidère. Établir un tel guide ne se fait pas du jour au lendemain.
Si la première utilisation d’un drone militaire dans la lutte contre Al-Qaïda remonte à novembre 2002, les États-Unis n’y ont recours massivement, dans leur guerre contre le terrorisme, que depuis 2009.
Pour le colonel de l’armée de l’air américaine Cedric Leighton, les conseils prodigués “sont loin d’être idiots”. S’ils ne sont pas parfaits, ils permettent souvent “de gagner du temps, ce qui peut être très important”. La liste prouve surtout, d’après lui, la nécessité de se doter de drones militaires les plus sophistiqués afin de déjouer les tactiques du camp adverse.