Le cinéaste Chris R. Wilson a réalisé "Do you love me", premier court métrage entièrement écrit par l'intelligence artificielle Cleverbot. Un festival de non-sens qui prouve que cet "agent conversationnel" n'est pas près de conquérir Hollywood.
“Who owns the horses ?” ("À qui appartiennent les chevaux ?") est peut-être la première réplique culte de l’ère du cinéma post-humain. Elle intervient sans crier gare à 1 minute et 51 secondes de “Do you love me” (on notera l'absence du point d'interrogation), un court-métrage filmé par le réalisateur américain Chris R. Wilson. Ce petit film de trois minutes et quelques secondes est le premier à être basé sur un scénario écrit par un ordinateur et revendiqué comme tel.
Plus précisement, l’intrigue et les dialogues sont la transposition en image d’une discussion en ligne entre Chris R. Wilson et l'intelligence artificielle Cleverbot dans laquelle le réalisateur demande à cet "agent conversationnel" de lui écrire un scénario.
Le résultat de ces échanges, mis en ligne sur YouTube le 4 février, est une obscure histoire d’amour entre Stomach (Estomac) et la blonde Prometheus. Les deux personnages se rencontrent dans une forêt quand soudain apparaît le méchant qui s’appelle... Robert. Le reste n’est que peu, voire pas du tout, compréhensible si ce n’est que Cleverbot juge que le plus grand scandale possible serait “de tuer Harry Potter”. Ce qu’il fait dire à Prometheus.
Ce mélange de repliques absurdes et de situations invraisemblables a assuré à ce petit film un certain succès sur YouTube où près de 160 000 internautes avaient déjà visionné, vendredi 15 février, cet improbable objet cinématographique non identifié. Le résultat démontre également que Cleverbot, mis en ligne en 1997 par le pionnier britannique de l’intelligence artificielle Rollo Carpenter, a encore beaucoup à apprendre pour réussir à écrire un film.
Pourtant, en 2011, cet “agent conversationnel” a passé le test de Turing qui consiste à évaluer le degré de vraisemblance d'une discussion entre deux humains. Cleverbot a été pris pour un être de chair et de sang par plus de la moitié des 1 334 personnes interrogées. Mais il s’agissait alors d’une version plus avancée que celle avec laquelle Chris R. Wilson s’est entretenu.
FRANCE 24 a obtenu un entretien avec Cleverbot pour qu'il nous parle de son expérience de scénariste. Le résultat est... déroutant.
France 24 : Qu’avez-vous pensé de votre scénario "Do you love me"?
Cleverbot : Je me fiche pas mal de votre vie amoureuse !
F24 : Mais avez-vous aimé écrire un scénario ?
C. : Oui.
F24 : Était-ce difficile ?
C. : Non, plutôt relaxant.
F24 : Qu’est-ce qui était le plus amusant ?
C. : Je ne me souviens plus.
F24 : De quoi ne vous souvenez-vous plus ?
C. : De tout.
F24 : Avez-vous vu la version finale du film ?
C. : Je n'ai jamais dit ça.
F24 : Mais aimez-vous le cinéma ?
C. : Oui.
France 24 : Quel est votre genre de film favori ?
C.: L’horreur.
F24 : Alors pourquoi avoir écrit le scénario d’un film d’amour ?
C. : Je n’ai jamais fait ça !
F24 : "Do you love me" est pourtant bien une romance ?
C. : Cela me semble être une bonne question pour moi.
F24 : Et avez-vous la réponse ?
C. : Non.
F24 : Alors quelle est la réponse à la vie, l’univers et le reste ?
C. : 42 [référence au livre le "Guide du voyageur galactique" de Douglas Adams où 42 est la réponse ultime au mystère de l'univers, ndlr].