L’ancien ministre des Affaires étrangères Alain Juppé a fait savoir, mercredi, qu’il croyait "sentir" chez Nicolas Sarkozy l’envie de se présenter à l'élection présidentielle de 2017. Info ou Intox ? Les spéculations vont bon train.
Nicolas Sarkozy "suit l'actualité politique avec beaucoup d'attention. On se téléphone, je vois qu'il est très vigilant", a déclaré, mercredi 13 février, l’ancien ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, lors de Questions d'info LCP/France Info/Le Monde/AFP. À la question "a-t-il envie de se présenter en 2017 ?", Alain Juppé a répondu : "Je crois sentir ça (...) mais enfin bon, je ne répondrai pas à sa place."
La petite phrase est lâchée. En quelques heures, la déclaration d’Alain Juppé a ravivé les rumeurs sur un éventuel retour en politique de l’ancien président de la République. Depuis sa défaite face à François Hollande, le 6 mai dernier, Nicolas Sarkozy maintient pourtant vouloir "changer de vie". Celui qui se qualifie de "jeune retraité" participe notamment à des conférences internationales et à des visites privées.
Mais à y regarder de plus près, son agenda reste encore très ancré politiquement, entre ses rencontres à Paris avec des chefs d’État étrangers, et avec ses anciens ministres et conseillers. Mais aussi en raison de ses quelques incursions dans le débat public depuis qu’il a quitté l’Élysée. Nicolas Sarkozy notamment était sorti de sa réserve, en août dernier, pour appeler à une action internationale pour arrêter la répression en Syrie. Puis, en novembre dernier, il avait apaisé les tensions à l’UMP après les résultats contestés à la présidence du parti.
Pas un scoop
Alors que faut-il penser de cette annonce ? À l’UMP, on n’est guère surpris. "En quoi est-ce un scoop pour quiconque ?", a réagi sur BFM TV Benoist Apparu, député UMP de la Marne. Nicolas Sarkozy ne cache aucunement ses intentions de se présenter, confirme un ancien ministre de Sarkozy sur le site des Inrocks. "Ceux qui le voient ont plutôt la conviction qu’il a envie d’y retourner, indique-t-il. Il suffit de passer une demi-heure avec lui, il est au courant de tout ce qui se passe, il suit tout, il voit toujours tout le monde. Même s’il ne dit jamais : ‘Je veux revenir.’" Et de poursuivre : "Mais ceux qui le voient moins régulièrement estiment que sa nouvelle vie professionnelle, avec l’organisation de conférences, risque de l’éloigner de la politique et d’être un poids pour l’avenir."
En revanche, ce qui surprend plus la droite, "c’est qu’Alain Juppé en ait parlé", comme le remarque sur BFM TV Claude Goasguen, député-maire UMP du XVIe arrondissement de Paris. La démarche du maire de Bordeaux laisse planer le doute sur ses propres intentions, estime Roselyne Fèbvre, spécialiste de politique française pour FRANCE 24. "Il a déjà évoqué sa possible intention de se présenter", rappelle-t-elle. En janvier dans une interview au Parisien, Alain Juppé déclarait : "J'avais dit que si j'étais candidat à la présidence de l'UMP, je m'engagerais à ne pas être candidat aux primaires." Or "je ne suis pas candidat à la présidence de l'UMP, je suis donc délié de cet engagement."
67 % des sympathisants UMP souhaitent le retour de Sarkozy
Quoiqu’il en soit, la classe politique s’accorde à dire qu’il est trop tôt pour se prononcer sur un éventuel retour de l'ancien président. Pour Frédéric Dabi, directeur du pôle Opinion à l’Institut français d’opinion politique (Ifop), la probabilité est forte car il existe un cœur de cible qui exprime une très grande envie. Aujourd’hui, environ 67 % des sympathisants UMP souhaitent que Nicolas Sarkozy "revienne dans la vie politique et soit le candidat de la droite à la présidentielle de 2017", d’après un sondage Ifop publié le 9 janvier dernier. "Ce qui semble clair, c’est que plus le temps passe et plus l’envie grandit", note Frédéric Dabi. Nicolas Sarkozy gagne près de trois points de plus que début novembre, avant la crise à l’UMP, et 14 de plus qu’en août dernier.
Reste à savoir quand. "Je crains que lui-même ne le sache pas encore", juge un ex-ministre de Nicolas Sarkozy interrogé par les Inrocks. "Pas avant 2014", avance pour sa part Roselyne Fèbvre, c’est-à-dire après les élections municipales et européennes. Les primaires à l’UMP sont, elles, fixées en 2016.
Toutefois, Nicolas Sarkozy devra trouver le moment politique idéal pour annoncer son "come back", précise Frédéric Dabi. Les résultats des municipales pourraient être la bonne occasion en fonction des scores du FN et de l’UMP. Dans un entretien accordé cette semaine au site Atlantico, Carla Bruni-Sarkozy évoque la possibilité d’un duel Hollande-Le Pen en 2017. Selon elle, seul "Nicolas pourrait éviter à la France ce duel affreux". En effet, affirme Roselyne Febvre, l’absence de leader à droite, comme c’est le cas actuellement depuis la crise à l’UMP, pourrait clairement permettre de remettre Nicolas Sarkozy en selle.