Un artiste américain a développé une idée de ville capable de se défendre contre des attaques de drones. Un concept polémique à l’heure où les États-Unis affirment que ces avions sans pilote sont une arme essentielle dans la guerre contre Al-Qaïda.
En plein débat aux États-Unis sur l’opportunité d’utiliser des drones pour procéder à des assassinats ciblés de terroristes, Shura City est en train de devenir une ville rêvée pour les uns et un projet architectural “anti-patriotique” pour d’autres. Fruit de l’imagination d’Asher J. Kohn, un étudiant américain en droit et artiste conceptuel, Shura City est la première tentative de dessiner les contours d’une cité conçue pour rendre impossible les attaques de drones.
Ce projet architectural remonte au printemps 2012. Mais le concept a fortement gagné en popularité médiatique ces derniers jours alors que la dépendance américaine aux drones militaires fait de plus en plus polémique. L’audition par le Sénat le 7 février de John Brennan, l’un des plus fervents défenseurs des drones de combat et futur chef de la CIA, a donné au projet de Shura City une deuxième jeunesse.
“Une architecture pensée contre les attaques de drones n’est pas qu’un scénario de science-fiction mais un impératif contemporain”, assure Asher J. Kohn dans son étude mise en ligne gratuitement sur le site scribd. Pour cet Américain, l’utilisation de ces avions sans pilote a engendré la “certitude pour des populations entières que la mort pouvait frapper à n’importe quel moment, pour n’importe quelle raison”. Une ville comme Shura City représenterait “une zone de sécurité pour des gens dont la vie a été bouleversée par des guerres” où la technologie joue un rôle central.
Embrouiller le drone
La ville anti-drone d’Asher J. Kohn est entièrement conçue pour brouiller les capteurs de ces tueurs modernes. Cette cité, essentiellement pensée pour les pays musulmans et du Moyen-Orient, serait construite autour d’une multiplication des minarets qui rendent “les vols de reconnaissance à basse altitude des drones plus risqués”.
Les immeubles d’habitation devraient être imbriqués les uns dans les autres afin de “créer un puzzle architectural” dans lequel le drone aurait du mal à se repérer. Asher J. Kohn préconise également d’utiliser un grand nombre de couleurs différentes, aussi bien pour les murs que pour les fenêtres, histoire d’ajouter encore à la confusion de cet avion télécommandé.
Le contrôle de la température dans la cité est un autre élément central de Shura City. La mise en place d’un toit au-dessus de la ville ou une utilisation défensive des “badgirs” (des petites cheminées traditionnelles dans l’architecture perse qui captent le vent pour réguler la température dans les immeubles) peuvent se révéler utiles à cette fin. “Les drones analysent les variations de température pour comprendre ce qui se passe derrière les murs, et si on brouille la carte thermale cela peut faire douter la personne qui est aux commandes” dans sa salle de contrôle, écrit Asher J. Kohn.
Tuer vs protéger
Ces efforts d’imagination pour aider à se protéger contre les attaques de drones n’ont pas manqué d’étonner aux État-Unis. Barack Obama n’a-t-il pas lui-même applaudi l’efficacité des ces armes modernes pour lutter contre le terrorisme ? Le président américain a souligné, en décembre 2011, que “20 des 30 plus hauts responsables d’Al-Qaïda mis hors d’état de nuire l’ont été grâce à des drones”. Asher J. Kohn reconnaît, dans les colonnes du journal américain "The Atlantic", que son idée a été taxée “d’anti-américaine”. D’autant qu’il écrit lui-même que sa Shura City n’est qu’une ébauche et qu’il en appelle à d’autres pour la rendre encore plus efficace.
Mais il ne voit pas de raison “de ne pas réfléchir à des moyens de mieux protéger des populations alors que d’autres personnes développent des idées toujours plus raffinées pour tuer”. Comme il l’explique à "The Atlantic", “une ville est censée protéger l’individu au sein d’une communauté” et son projet de Shura City ne serait rien d’autre que de mettre le concept de cité à la page technologique.