![Ces drones "tueurs" qui commencent à faire désordre aux États-Unis Ces drones "tueurs" qui commencent à faire désordre aux États-Unis](/data/posts/2022/07/18/1658125764_Ces-drones-tueurs-qui-commencent-a-faire-desordre-aux-Etats-Unis.jpg)
John Brennan, partisan de l'emploi de drones contre les responsables d’Al-Qaïda, a été entendu par le Sénat en vue de sa possible nomination à la tête de la CIA. Le recours à ces avions sans pilote fait de plus en plus polémique aux États-Unis.
C’est l’homme de la “Kill List” des responsables d’Al-Qaïda à éliminer par les États-Unis. John Brennan a été interrogé, jeudi 7 février, par le Sénat américain qui doit valider sa nomination au poste de patron de la Central Intelligence Agency (CIA). Nul doute que son rôle dans le développement de l’utilisation des drones militaires pour tuer des “ennemis des États-Unis” sera en bonne place au menu des questions posées à l’actuel chef de la lutte contre le terrorisme à la Maison Blanche.
Preuve que le sujet est central : le président américain Barack Obama a décidé, mercredi, de remettre à deux comités du Congrès spécialisés dans le renseignement des documents - jusqu’alors confidentiels - sur les justifications légales des frappes de drones contre des citoyens américains liés à Al-Qaïda.
Un geste censé apaiser la polémique qui est en train de grandir aux États-Unis autour de l’utilisation, à des fins d’assassinats ciblés, de ces avions sans pilote. Onze sénateurs ont ainsi fait parvenir, lundi 4 février, une lettre aux président des États-Unis demandant plus de transparence sur ces opérations militaires. La chaîne d’informations NBC publiait, ensuite, un autre document classé confidentiel du département américain de la Justice. Un texte qui a, depuis lors, beaucoup alimenté les critiques de ceux qui trouvent que l’armée est devenue accro aux drones jusqu’à l’overdose.
Ce mémo non daté conclut, ainsi, à la légalité des frappes ciblées contre des citoyens américains qui seraient de hauts responsables d’Al-Qaïda ou d’organisations terroristes affiliées. Le texte, présenté comme un document de travail sans valeur juridique, explore en détail les conditions dans lesquelles de telles opérations peuvent être menées.
Quand c’est flou...
C’est là que le bât blesse pour les détracteurs de l’utilisation intensive de drones militaires. “Les limites posées [dans ce mémo] à ces opérations en dehors du sol américain sont définies de manière tellement élastique et vague qu’on imagine aisément comment elles pourraient être manipulées”, souligne à NBC Jameel Jaffer, conseiller juridique à l’Association américaine des libertés individuelles (ACLU).
En apparence, le document fixe un cadre très strict pour l’utilisation de drones contre des citoyens américains. Ces derniers doivent représenter un risque imminent et direct contre les États-Unis et la possibilité de les interpeller se révéler être impossible. Les frappes doivent, enfin, être menées en accord avec les “lois sur les conflits militaires”.
Mais, les autorités n’ont, d’après ce texte, pas besoin de fournir de preuves matérielles de l’imminence du danger. L’appréciation en est laissée à de “hauts responsables américains bien informés”. En outre, l’impossibilité d’arrêter le suspect s’entend également de manière assez vague. Ainsi, si l’interpellation posait un “risque inacceptable” au personnel américain impliqué dans l’opération, elle pourrait être qualifiée d’impossible. Mais le texte omet de définir ce qui relève de l’acceptable...
Un flou juridique qui illustre le côté obscur du programme d’utilisation des drones de combat. Jusqu’à récemment, le recours à cette méthode d’élimination directe des terroristes avait plutôt été porté au crédit de l’administration Obama par les Américains. En octobre dernier, un sondage de l’institut de recherche américain Pew révélait, en effet, que 62 % des Américains étaient favorables aux frappes ciblées.
Accro aux drones ?
Barack Obama a, d’ailleurs, été un fervent défenseur de ces opérations. “Vingt-deux des trente plus importants responsables d’Al-Qaïda ont été mis hors d’état de nuire grâce à l’utilisation de drones”, affirmait-il ainsi en décembre 2011. Depuis son arrivée à la Maison Blanche, l'actuel président des États-Unis a ordonné 350 missions de frappes ciblées qui ont coûté la vie à plus de 3 000 personnes dans le cadre de la guerre contre Al-Qaïda rappelle, dans un rapport de janvier 2013, le think-tank indépendant Council on Foreign Affairs (Conseil en relations internationales). Enfin, l’arsenal de drones a explosé aux États-Unis depuis 2001, passant de 50 à 7 500 en 2012.
Si l’efficacité militaire des drones a été prouvée, leur coût politique pourrait toutefois devenir important pour l’administration Obama. L’audition de John O. Brennan par le Sénat pourrait être révélatrice d’une évolution des mentalités américaines.
La municipalité de Charlottesville, en Virginie, vient, à cet égard, de donner une illustration flagrante de la méfiance grandissante des Américains à l’égard des drones, même non-militaires. Les autorités locales ont adopté, lundi, une loi qui “interdit l’utilisation en justice d’informations obtenues grâce à une surveillance exercée par des drones” qui seraient, d'après eux, une menace pour les libertés individuelles.