Deux ans après le déclenchement du Printemps arabe, FRANCE 24 fait le point sur le rôle joué par les réseaux sociaux au cours de ces évènements avec Mounir Bensalah, auteur de "Réseaux sociaux et révolutions arabes ?".
Deux ans après le déclenchement du Printemps arabe, qui a renversé des régimes autoritaires enTunisie, en Égypte, en Libye et au Yémen, FRANCE 24 tente de faire le point sur le rôle joué par les réseaux sociaux au cours de ces évènements. En Occident, Facebook, Twitter et YouTube ont très souvent été présentés comme des acteurs-clés, voire des détonateurs de ces révolutions. Pour comprendre ce phénomène, qui a indéniablement mis la jeunesse arabe sur le devant de la scène, Mounir Bensalah, militant et blogueur marocain auteur de "Réseaux sociaux et révolutions arabes ?" (éd.Michalon), répond aux questions de FRANCE 24.
Peut-on, deux ans après, évaluer le rôle exact joué par les réseaux sociaux dans le Printemps arabe ?
Mounir Bensalah : Le rôle des réseaux sociaux dans le Printemps arabe a été très exagéré, notamment par les médias occidentaux. La révolution Facebook ou Twitter, tel que ces évènements ont été qualifiés, sont un mythe et un fantasme nés de raccourcis journalistiques. Ils ont indéniablement accompagnés ce qu'on appelle les révolutions arabes, puisqu'ils ont servis à mobiliser, à informer et à s'informer. Voire à attiser la colère. Ils ont en outre permis d'attirer l'attention des médias étrangers, empêchés de travailler librement dans les pays fermés, et de les alimenter en images. Ils ont également aidé ceux que j'appelle les révoltés solitaires, qui se croyaient seuls au monde, à se regrouper en découvrant que d'autres personnes partageaient leurs sentiments.
Mais les populations des pays arabes ne sont pas descendues dans les rues grâce aux réseaux sociaux, mais elles ont plutôt été poussées à se révolter pour des raisons sociales et politiques. D'ailleurs peu de gens étaient réellement connectés, et beaucoup d'entre eux n'avaient même pas accès à un ordinateur. Le profil type du cyber-activiste utilisant les réseaux sociaux le démontre : il est jeune, âgé entre 18 et 40 ans, citadin, jouissant d'un niveau d'instruction élevé et sensibilisé aux valeurs démocratiques lors d'un passage en Occident. Ce qui exclu une grande partie de la population des pays arabes, maintenue dans la pauvreté par les régimes dictatoriaux.
Deux ans après, que sont devenus ces cyber-activistes du Printemps arabe? Sont-ils toujours actifs?
M.B. : Aujourd'hui, les icônes de cette époque, subitement sorties de l'anonymat, sont écartées de la scène politique des pays qui ont vécu des bouleversements à la tête du pouvoir. Faute d'être organisés et de disposer de relais au sein de la société, ils n'ont pu jouer aucun rôle, malgré leur ambition et leur volonté de changer les choses. Et ce contrairement aux forces qui ont réussi à prendre le pouvoir en Égypte ou en Tunisie. Toutefois, il semble que la leçon a été retenue, car deux ans après, ils essayent de s'organiser. En Égypte par exemple, le Mouvement du 6-avril , une organisation de jeunes militants pro-démocratie très active lors de la révolte qui a renversé l'ancien président Hosni Moubarak, tente de devenir un acteur de plus en plus influent au sein de l'opposition égyptienne. Le même phénomène peut être constaté actuellement en Tunisie.
Comment se porte aujourd'hui la liberté sur Internet en Tunisie ou en Égypte ? La parole est-elle toujours libre sur les réseaux sociaux ?
M.B. : La parole a été indéniablement libérée. Même si les gouvernements issus de ce que l'on appelle le Printemps arabe tentent de fliquer les réseaux sociaux. Si, à l'époque, les régimes policiers avaient négligé l'importance des réseaux sociaux, ceux qui les ont remplacés connaissent leur pouvoir de nuisance. Cependant, ils savent parfaitement que nul ne peut totalement museler Internet. La censure sera continuellement contournée.