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Le Niger veut renégocier le prix de son uranium avec Areva

Le président nigérien estime que son pays, riche en uranium, ne tire pas assez profit de cette manne. Il appelle à un "rééquilibrage" du partenariat avec le géant français Areva et menace de se tourner vers la Chine en cas d'échec des négociations.

L’uranium est “une ressource qui ne rapporte pas au Niger”. Triste constat dressé par Mahamadou Issoufou, président de cet État, l’un des plus pauvres au monde et pourtant quatrième plus important producteur d’uranium. Il s’en est pris à Areva lors d’un entretien accordé dimanche à RFI, TV5 Monde et "Le Monde". Le géant français du nucléaire, actionnaire majoritaire des deux sites d’extraction du précieux minerai dans le pays (Arlit et Akokan), est accusé de ne pas payer à Niamey le juste prix pour cette ressource.

Le pays “reçoit du secteur de l'uranium à peine 100 millions d'euros par an. Cela représente 5 % à peine de notre budget, ce n'est pas admissible", s’est plaint Mahamadou Issoufou. Il a plaidé pour un “rééquilibrage du partenariat avec Areva”.

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"Le partenariat avec Areva doit être gagnant-gagnant"

Un reproche et un appel à une renégociation plus favorable à Niamey qui revient à intervalle régulier. “Cela fait des décennies qu’Areva exploite l’uranium nigérien en payant moins que les prix du marché”, rappelle à FRANCE 24 Jean-Pierre Minne, expert des questions d’uranium pour l’ONG française Sortir du nucléaire.

En 2008 déjà, Areva avait accepté une hausse de 50 % du prix de l’uranium payé au Niger. Mais le gouvernement de Niamey estime que le géant français doit à nouveau mette la main au portefeuille. La raison : une tendance à la hausse du prix de cette ressource essentielle à l’énergie nucléaire, due à une demande soutenue des pays en voie de développement et surtout à l’instabilité politique dans les pays producteurs africains.

L’arme chinoise

Mahamadou Issoufou a-t-il les moyens d'imposer ses vues à Areva ? Avec environ “35 % de l’uranium français qui provient du Niger”, comme le rappelle Jean-Pierre Minne, le géant français dépend fortement de cette filière africaine. De plus, il compte tirer des bénéfices encore plus substantiels de son partenariat avec Niamey grâce à l’exploitation à partir de 2015 de la mine géante d’Imouraren dans le nord du pays.

Un site appelé à devenir la deuxième plus importante mine d’uranium à ciel ouvert au monde, avec une production estimée de 5 000 tonnes par an. Dans ces conditions, “Areva a tout intérêt à maintenir des bonnes relations avec le Niger”, souligne à FRANCE 24 Alex Bescoby, expert des relations entre les grands groupes énergétiques et les États pour le cabinet britannique de conseil en énergie Critical Resource.

Mais cette fois-ci, Mahamadou Issoufou pense avoir un atout de taille dans sa manche : les Chinois. “Tous les investisseurs sont les bienvenus au Niger”, a-t-il assuré sur RFI, faisant implicitement référence au géant asiatique. “C’est moins un chantage que l’expression d’une réalité économique : la Chine est prête à prendre le relais en cas d’échec des négociations avec Areva”, confirme Jean-Pierre Minne. “Areva et la France ne sont plus aussi dominateurs au Niger”, confirme Alex Bescoby. Il soutient que l’alternative chinoise a gagné en crédibilité ces dernières années. “Les sociétés chinoises sont devenues une concurrence sérieuse aux grands groupes occidentaux en Afrique”, affirme cet expert.

Les forces spéciales françaises

Des arguments qui ne sont pas forcément suffisant pour faire plier Areva. D’abord, la Chine n’est pas la solution à tous les problèmes. “Pékin va peut-être, et ce n’est même pas sûr, payer davantage, mais en terme de respect de l’environnement et des conditions de travail, c’est souvent une catastrophe et Niamey doit en tenir compte”, assure Jean-Pierre Minne, pourtant régulièrement critique à l’égard des pratiques d’Areva en matière de conditions de travail au Niger.

En outre, Niamey ne peut pas se montrer trop gourmand. “Le Niger peut difficilement se permettre d’adopter une position trop dure dans les négociations car cela risquerait d’effrayer d’autres investisseurs potentiels”, souligne Alex Bescoby. Pour lui, si le Niger veut en effet attirer d’autres partenaires, il doit leur montrer qu’il peut être un interlocuteur fiable sur le long terme.

Le Niger n’est pas non plus le seul géant en ce qui concerne l’activité d’extraction d’uranium d’Areva. La société française a ainsi annoncé le 13 janvier dernier qu’elle allait augmenter sa production au Canada qui représente déjà un tiers de l’uranium français. “Une manière de relativiser la dépendance à la filière nigérienne”, remarque Jean-Pierre Minne.

Le déploiement de forces spéciales françaises sur les sites nigériens d’Areva est également un signal fort "qui peut entrer en ligne de compte dans les négociations en cours”, juge Jena-Pierre Minne. Pour ce spécialiste, c’est en effet une manière de dire “que dans le contexte tendu de la région, la France est capable de sécuriser les ressources vitales du Niger ce que l’armée régulière nationale ne peut pas faire”.

Si Areva n’évoque pas d’augmentation du prix payé au gouvernement, le groupe français assure à FRANCE 24 qu’un accord en cours de finalisation “prévoit le versement par Areva d'une somme de 35 millions d’euros à étaler sur 3 ans”. Areva souligne qu’il s’agit d’un “effort ponctuel” pour “assurer la sécurité des activités - et non d’une hausse de la rente de l’uranium.