La mobilisation des ouvriers agricoles dans la région du Cap ne faiblit pas : en grève, ils réclament une augmentation de salaire. Jeudi, la police sud-africaine les a dispersé à l'aide de balles en caoutchouc. Reportage de Caroline Dumay.
Ils réclament qu’on double leur salaire. Pour la deuxième journée consécutive, des heurts ont opposé, ce jeudi, la police sud-africaine à des centaines d'ouvriers agricoles en grève dans la région du Cap. Les forces de l’ordre ont dû tirer des balles en caoutchouc pour répondre aux jets de pierre des manifestants.
Le mouvement de grève, qualifié de sauvage par les autorités car il ne respecte par les règles imposées par le droit du travail sud-africain, a été initié en novembre. Les ouvriers agricoles, dont beaucoup sont des saisonniers, réclament un salaire minimum de 150 rands (13 euros) par jour. Il est actuellement de 69 rands (six euros).
Suspendue en décembre suite à la mort de deux ouvriers dans des heurts avec la police, la grève a repris mercredi dans la région du Cap occidental, productrice de vin, de fruits et de légumes largement exportés, y compris vers l'Europe. Elle fournit près de 60 % des exportations agricoles sud-africaines et emploie au total presque 200 000 ouvriers permanents ou saisonniers.
Le gouvernement refuse jusqu'à présent d'intervenir, arguant du fait que la loi prévoit que le salaire minimum ne peut être relevé qu'une fois par an et que la dernière augmentation date de mars 2012.
Les échauffourées entre les policiers et des groupes de manifestants très mobiles ont duré plusieurs heures près de la localité de De Doorns, à 140 km à l'est du Cap, sur la route nationale qui mène à Johannesburg. Les grévistes ont érigé des barricades sur la chaussée et lancé des pierres sur les véhicules de police. Les forces de l'ordre, en tenue anti-émeute, ont répliqué par des tirs nourris de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogène.
"Il y a des batailles rangées entre la police et les grévistes, les tirs et les jets de pierre sont à l'ordre du jour dans la région", a commenté pour l'AFP le secrétaire général du syndicat des ouvriers agricoles (Bawusa), Nosey Pieterse. Le porte-parole de la police locale Andre Traut a résumé la situation en déclarant : "Nous sommes totalement déployés sur la zone et nous avons pris des mesures dans différentes sections pour maintenir la loi et l'ordre". Dix-huit personnes ont été arrêtées.
"Travail d'esclaves"
Mercredi, la police a procédé à 44 arrestations pour menaces et violences publiques. Déjà, les incidents les plus graves s’étaient déroulés aux abords de la localité de De Doorns. Plus de 3 000 grévistes s’étaient regroupés en dehors de la ville, sur la principale voie rapide. D'importantes forces de police se sont positionnées face à eux, à pied et en véhicules anti-émeute, pour leur interdire l'accès au centre-ville. Des affrontements ont opposé les deux groupes pendant près de deux heures.
Les manifestants brandissaient des pancartes comparant leur situation à celle des employés noirs sous l'apartheid, le régime raciste aboli en 1994. La grande confédération syndicale sud-africaine, la Cosatu, alliée au pouvoir, a, de son côté, demandé aux consommateurs de boycotter les produits agricoles obtenus par "du travail d'esclaves".
L'Afrique du Sud observe avec inquiétude ce conflit, trois mois après les grèves sauvages des mineurs en août et septembre, qui s'étaient soldées par une soixantaine de morts, dont 34 grévistes abattus par la police à Marikana.