Plusieurs centaines de milliers de Palestiniens ont marqué à Gaza le 48e anniversaire du Fatah, le mouvement du président Mahmoud Abbas. Spécialiste de la question palestinienne, le professeur Jean-Paul Chagnollaud répond aux questions de FRANCE 24.
Le Fatah a rassemblé des centaines de milliers de Palestiniens, ce vendredi à Gaza, pour son 48e anniversaire. Un évènement inédit pour le parti du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas dans ce bastion du Hamas, depuis qu'il en a été chassé en 2007. L’occasion pour FRANCE 24 d’interroger Jean-Paul Chagnollaud, professeur de sciences politiques à l'université de Cergy-Pontoise, et directeur de l’Institut de Recherche et d'Etudes Méditerranée Moyen-Orient (IREMMO) afin de faire le point sur ce mouvement et son chef, Mahmoud Abbas.
Quel bilan tirez-vous de l’année 2012 pour le Fatah, aux commandes de l’Autorité palestinienne ?
Jean-Paul Chagnollaud : Pour synthétiser je dirais que l’année 2012 s’est beaucoup mieux terminée qu’elle n’avait commencée pour le Fatah, qui est en fait l’Autorité palestinienne. En effet, en obtenant le statut d'Etat observateur pour la Palestine aux Nations unies, le Fatah limite la casse et affiche un bilan en demi-teinte. Car le mouvement est toujours dans une situation plus que compliquée. Sur le plan intérieur, les Palestiniens ont un sentiment d’impuissance face à Israël, qui multiplie les projets de colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. D’autre part la situation économique est particulièrement difficile, car les autorités ne peuvent mener de politique économique ou agricole, à cause de cette situation, et notamment parce qu’elles ne contrôlent pas les frontières.
De plus, malgré des signes d’apaisement, l’accord de réconciliation conclu en avril 2011 entre le Hamas et le Fatah n’a toujours pas été appliqué.
Jean-Paul Chagnollaud : Même si le Fatah a obtenu l’accord du Hamas pour fêter son 48e anniversaire à Gaza, ce qui est un évènement notable, aucun progrès concret n’a été enregistré dans le processus de réconciliation entre les deux parties. Et ce, même si lors de l’offensive israélienne sur Gaza, en novembre, le Fatah s’est montré solidaire du Hamas, notamment sur le plan diplomatique, contrairement à ce qui s’était passé en 2008, lors de l’opération Plomb durci contre le même territoire palestinien. Je reste sceptique quant à la concrétisation de cet accord. Il y a encore beaucoup de rancœurs et de méfiance entre les deux parties. En outre, certains cadres, que ce soit au sein du Fatah ou du Hamas, visent le pouvoir dans leurs territoires respectifs et préfèrent par conséquent le statu quo. Politiquement, le rapport de force est assez équilibré, car le Fatah et le Hamas ont tous deux retrouvé une certaine popularité. Bien malin, celui qui peut prévoir l'issue des prochaines élections générales (législatives et présidentielle) qui devaient avoir lieu en 2012, selon l’accord de 2011.
Quid du président Mahmoud Abbas, le chef du Fatah, qui prédit que 2013 sera l'année de l'établissement d'un Etat palestinien indépendant. Est-il toujours l’homme de la situation ?
Jean-Paul Chagnollaud : Celui qui a été toute sa vie l’homme du dialogue avec les Israéliens, qui a toujours refusé le principe de la lutte armée, a indéniablement remporté un franc succès avec l'accession de la Palestine au statut d'Etat observateur à l'ONU. Même si son discours devant l’Assemblée générale n’a pas été à la hauteur de l’évènement. Le soutien inattendu de plusieurs pays européens comme la France, qui ont voté en faveur du oui, lui a même donné un goût de victoire. C’est incontestablement une date clé dans l’histoire palestinienne. Même si Abou Mazen a affirmé qu’il ne se représentera pas, une éventuelle candidature est toujours plausible, car il est encore là pour un certain temps. D’autant plus qu’il n’y pas de consensus au sein du Fatah sur son éventuel successeur. Mais à 76 ans, il pourrait se contenter d’assurer la transition, en conduisant un gouvernement d’union nationale chargé d’organiser les élections générales, afin de tirer un trait sur cette situation de deux gouvernements sur deux territoires.