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La chambre haute du Parlement a adopté à l'unanimité une proposition de loi interdisant aux Américains d'adopter des enfants russes. Selon Washington, 60 000 orphelins russes ont été adoptés par des Américains ces vingt dernières années.

Le Conseil de la Fédération, chambre haute du Parlement russe, a approuvé mercredi à l'unanimité une loi très controversée interdisant aux Américains d'adopter des orphelins russes.

Le texte a été approuvé par la totalité des 143 suffrages exprimés et doit désormais être signé par le président Vladimir Poutine.

Le texte, approuvé vendredi en troisième et dernière lecture par la Douma (chambre basse) se veut une réponse à la "liste Magnitski" adoptée aux Etats-Unis, qui sanctionne des responsables russes impliqués dans la mort en 2009 en prison du juriste Sergueï Magnitski, ou d'autres violations des droits de l'Homme.

"Un grand pays comme la Russie ne peut pas faire commerce de ses enfants", a déclaré le délégué du Kremlin aux droits de l'enfant, Pavel Astakhov, cité par Interfax.

"Toute adoption par des étrangers est nuisible pour le pays, car plus des étrangers adoptent nos enfants, moins nous faisons d'efforts nous-mêmes dans ce domaine", a-t-il ajouté.

La nouvelle loi russe prévoit elle aussi de dresser une "liste noire" des Américains indésirables en Russie, soupçonnés d'avoir violé en particulier les droits des citoyens russes.

M. Poutine semble soutenir l'initiative qu'il a qualifié de réponse "appropriée" à la liste Magnitski, lors de sa conférence de presse la semaine dernière.

Le président russe pourrait examiner la loi dès mercredi, a indiqué son porte-parole Dmitri Peskov, cité par l'agence Interfax.

Selon le département d'Etat américain, 60.000 petits Russes ont été adoptés par des Américains au cours de ces vingt dernières années.

De 2008 à 2011, 14.660 enfants ont été adoptés en Russie par des étrangers, dont 5.177 par des Américains, selon le délégué aux droits de l'enfant, Pavel Astakhov.

Selon cette loi, "quarante-six enfants qui devaient être adoptés par des familles américaines resteront en Russie", a affirmé mercredi M. Astakhov, cité par Interfax.

Leurs dossiers sont examinés par des tribunaux qui doivent délivrer une autorisation pour leur adoption.

Ces enfants resteront en Russie "si ces tribunaux ne se prononcent pas avant le 1er janvier", avait expliqué M. Astakhov à l'AFP vendredi.

La proposition de loi a provoqué de nombreuses réactions de réprobation en Russie, non seulement chez les ONG spécialisées et les humanitaires, mais aussi de la part de membres du gouvernement, comme le ministre de l'Education Dmitri Livanov et le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov.

La vice-Premier ministre chargée des questions sociales Olga Golodets a écrit la semaine dernière une lettre à Vladimir Poutine où elle critiquait la loi, estimant qu'elle entrait en contradiction avec d'autres documents déjà en vigueur, notamment un accord russo-américain sur les adoptions conclu cette année.

Selon Mme Golodets, si la nouvelle loi anti-adoption entre en vigueur, la Russie risque de perdre tout droit de regard sur les conditions de vie des 60.000 enfants russes déjà adoptés par des Américains.

L'accord russo-américain sur la coopération dans le domaine des adoptions, négocié pendant plusieurs mois, n'est entré en vigueur que le 1er novembre dernier. Il prévoit notamment la mise en place d'un mécanisme permettant aux autorités russes de contrôler les conditions de vie des enfants adoptés.

La loi anti-adoptions porte le nom de Dima Iakovlev, un enfant russe adopté aux Etats-Unis en 2008 et mort oublié par son père adoptif américain dans une voiture en pleine chaleur.

D'autres cas d'enfants maltraités par leurs parents adoptifs aux Etats-Unis ont été très médiatisés ces dernières années en Russie.

Selon M. Astakhov, 19 enfants russes adoptés aux Etats-Unis ont péri en dix ans.

Des journalistes de la télévision russe ont retrouvé dans la région de Pskov (ouest de la Russie) la grand-mère du petit Dima Iakovlev, Nadejda Paoukkonen, qui a assuré qu'elle voulait reprendre le garçon lorsque celui-ci avait été abandonné par ses parents alcooliques, mais que les autorités russes le lui avaient refusé.

Le tribunal de Pskov qui avait autorisé l'adoption de Dima par des Américains a cependant démenti, assurant mercredi que les proches du petit garçon avaient refusé de l'adopter, a rapporté Interfax.

AFP