logo

Après la première phase du référendum, l'opposition égyptienne dans la rue

Dès la fin de la première étape du référendum sur le projet de Constitution, qui s'est tenue le 15 décembre, l’opposition égyptienne a dénoncé des cas de fraude et appelé à manifester ce mardi, alors que les Frères musulmans espéraient un plébiscite.

La première phase du référendum sur le projet de Constitution n’a pas apaisé les tensions en Égypte. Appelés aux urnes le 15 décembre pour se prononcer sur un texte adopté par l'Assemblée constituante dominée par les islamistes, les Égyptiens continuent le bras de fer entamé avec le pouvoir depuis plusieurs semaines. L’opposition égyptienne crie à la fraude et appelle à une manifestation ce mardi pour dénoncer les termes de la Constitution et les conditions dans lesquelles le vote a eu lieu.

(sous-titres en anglais)

Selon un premier décompte officieux, divulgué par les médias d’État, la Constitution recueillerait un oui à une courte majorité (56,5 %). Lors d’une conférence de presse, un porte-parole de l’Association nationale pour le changement (cofondée en 2010 par le prix Nobel de la paix Mohamed El-Baradei et l’ancien candidat à la présidentielle Hamdine Sabahi) a égrené les cas litigieux observés dans les bureaux de vote ouverts dans dix gouvernorats égyptiens : l’absence de publication dans la gazette officielle des articles de la Constitution ; l’absence du tampon du Conseil suprême des élections sur "la plupart" des bulletins ; l’absence de juges dans certains bureaux de vote ; la comptabilisation de personnes décédées ou double apparition des noms de citoyens vivants ; des chrétiens, des observateurs et des journalistes se sont vu refuser l’accès aux bureaux de vote ; enfin, dans certains bureaux qui ont fermé plus tôt que prévu, les citoyens ont dû laisser leur carte d’identité et faire confiance aux fonctionnaires qui allaient voter à leur place… Ces cas seront portés devant la justice, promettent les partis d’opposition, dont la coalition du Front de salut national.

El-Baradei dénonce un "scrutin douteux"

En attendant, certains ténors de l’opposition égyptienne appellent à l’annulation pure et simple du scrutin. “Appel de la dernière chance : il faut annuler ce référendum douteux, entrer dans un dialogue national (…) et rétablir un État de loi. L’Égypte est au-dessus des Frères musulmans", a écrit sur Twitter l’ancien directeur de l’Agence internationale à l’énergie atomique, Mohamed El-Baradei.

C'"est vrai que dans certains bureaux de vote, particulièrement ceux qui étaient susceptibles de voter contre la Constitution, les lenteurs étaient considérables. Des opposants en concluent qu’ils ont été empêchés de voter, rapporte Sonia Dridi, correspondante de FRANCE 24 au Caire. Mais l’opposition a beau crier, elle n’obtiendra jamais l’annulation du scrutin. Et certains opposants estiment que les fraudes n’ont pas entaché le scrutin au point de renverser l’ordre des résultats."

it
Après la première phase du référendum, l'opposition égyptienne dans la rue

Revers pour la confrérie islamiste

Les Frères musulmans, de leur côté, doivent essuyer deux revers : le oui au référendum n’est pas aussi massif que prévu, et la participation assez faible (31 % des électeurs appelés aux urnes, selon les premières estimations). "Les Frères musulmans sont embarrassés, ils n’ont pas réussi à mobiliser autant qu’ils le prétendaient", analyse Sonia Dridi.

RÉFÉRENDUM DE MARS 2011

Le blogueur Bassem Sabry compare les résultats de samedi dernier à ceux de mars 2011, quand les Égyptiens ont été appelés à approuver une réforme de la Constitution qui datait de l’ère Moubarak : le Caire avait alors voté oui  à 63 %, et le résultat national accordait un oui massif à 73 %. "Aujourd’hui, beaucoup d’Égyptiens, même parmi les conservateurs, sont inquiets devant les pouvoirs que s’octroient les Frères musulmans", conclut le blogueur, qui note un désintérêt pour le débat qui agite la capitale, vu le faible taux de participation, plus bas encore que lors du référendum de mars 2011.

La confrérie comptait sur une forte mobilisation dans les bureaux de vote pour asseoir la légitimité de leur démarche. Samedi, au moment où les Égyptiens se rendaient aux urnes, les Frères musulmans y croyaient encore. Sur Twitter, le compte officiel de la confrérie @Ikhwanweb annonçait : "Grosse mobilisation pour ce premier jour de référendum, les Égyptiens sont déterminés à faire entendre leur voix et à décider de la voie à suivre pour leur pays #démocratie".

Le détail du vote révèle un pays divisé : la capitale Le Caire a voté majoritairement contre la Constitution (non à 57 %), tout comme la province d’al-Gharbeya, dans le delta du Nil, qui comprend la ville de Tanta : non à 52 %. La ville d’Alexandrie a voté oui, mais à une courte majorité (55, 6 %), tandis que les gouvernorats ruraux sont plus nettement favorables au texte défendu par les Frères musulmans, jusqu’à 78 % dans le Nord-Sinaï.

Une fois encore, l’opposition va tenter de mesurer sa force dans la rue en appelant à une manifestation massive mardi soir. "Mais tous les activistes ne sont pas d’accord sur cette stratégie, rapporte Sonia Dridi, certains font valoir que ce n’est pas le moment de descendre dans les rues du Caire, mais de se mobiliser dans les gouvernorats ruraux." Ce sont en effet dans des provinces reculées, là où les manifestations cairotes ont peu d’écho, que va se jouer la seconde partie du scrutin, samedi prochain.

Les résultats définitifs seront connus après la seconde journée de vote qui se tiendra le samedi 22 décembre.

it
Que dit le projet de Constitution ?
Après la première phase du référendum, l'opposition égyptienne dans la rue