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Le président Moncef Marzouki pris à partie à Sidi Bouzid

Le chef d’État tunisien Moncef Marzouki et le président du Parlement Mustapha Ben Jaafar, venus à Sidi Bouzid pour commémorer le deuxième anniversaire du début de la révolution en ce lundi 17 décembre, ont été chahutés par une foule en colère.

La colère gronde en Tunisie, deux ans jour pour jour après le début du soulèvement qui a provoqué la chute du régime de Zine El Abidine Ben Ali le 14 janvier 2011. Le chef d’État tunisien Moncef Marzouki et le président du Parlement Mustapha Ben Jaafar, venus à Sidi Bouzid (centre-ouest) en ce lundi 17 décembre pour commémorer cet anniversaire, ont été chahutés par une foule en colère. Les dirigeants tunisiens ont même essuyé des jets de pierres, après un discours du président Marzouki. Ils ont été rapidement évacués par le service d’ordre vers le siège de la préfecture de la région.

Une partie des 5 000 manifestants est parvenue à envahir le parvis sur lequel était montée la tribune où Moncef Marzouki s'était exprimé, en s’écriant "Dégage, dégage", l'un des slogans du soulèvement qui a provoqué la fuite de l’ancien dictateur. Un peu plus tôt, le président tunisien, un laïc allié aux islamistes d'Ennahda qui dirigent le gouvernement, a été pris à partie par les habitants de Sidi Bouzid, alors qu'il se recueillait sur la tombe de Mohamed Bouazizi, le marchand ambulant dont la mort avait donné le coup d’envoi de la révolution tunisienne et par extenso du printemps arabe.
En s’immolant par le feu le 17 décembre 2010 dans cette ville minée par la pauvreté depuis des décennies, Mohamed Bouazizi entendait dénoncer la misère et les brimades policières. "À nos yeux rien n’a changé, les dirigeants ont changé, mais la mentalité reste la même, celle qui est à l’origine de nos problèmes", confie à FRANCE 24 un habitant de Sidi Bouzid. "Les gens ne veulent pas manger des libertés et de la démocratie, le peuple veut du pain et du travail", renchérit un autre.
Une crise économique doublée d’une impasse politique
"Sur le plan de la pauvreté, la situation est presque pire que sous Ben Ali. La révolution a stoppé net l’économie et le chômage s’est envolé, au point d’atteindre les 40 % chez les jeunes dans certaines régions enclavées, éloignées des côtes tunisiennes", explique depuis Sidi Bouzid, David Thomson, correspondant de FRANCE 24 en Tunisie. "Ce contexte économique et social, poursuit-il, qui a poussé Sidi Bouzid à se révolter il y a deux ans, est toujours le même aujourd’hui".
Le gouvernement dirigé par Ennahda, première cible des critiques populaires, peine à stabiliser la Tunisie. L’amertume et la colère ne sont pas l’apanage de Sidi Bouzid. D'autres villes de l'intérieur du pays ont ainsi été ces derniers mois le théâtre de manifestations dégénérant en violences avec la police. "Des émeutes sociales souvent très violentes et hostiles au gouvernement éclatent fréquemment dans le pays, comme à Siliana, au sud-ouest de Tunis où des violences ont récemment fait 300 blessés", note David Thomson. 
Cette situation ne risque pas de s’améliorer de sitôt, le président Marzouki ayant lui-même indiqué  lundi 17 décembre que le pouvoir "n’avait pas de baguette magique". D’autant plus que le pays reste prisonnier d’une impasse politique, faute de compromis sur la futur Constitution, 14 mois après l'élection de la Constituante.