En quête d'une légitimité par les urnes, le gouvernement égyptien compte sur le référendum pour asseoir son autorité et renégocier les conditions du prêt de la FMI dont il a demandé le report. Un pari risqué.
Il est la raison principale de la décision surprenante prise par le gouvernement égyptien, mardi 11 décembre, de demander le report d'un mois d'un prêt de 4,8 milliards de dollars du Fonds monétaire international (FMI). Le référendum sur la nouvelle Constitution n’est, en effet, pas qu’une question institutionnelle ou politique. C'est aussi une question économique.
Officiellement, le langage de l'institution finanicère est très mesuré. “Cette demande nous a été faite au regard des développements en cours dans le pays”, s’est contenté de préciser le FMI. Les autorités égyptiennes, quant à elles, ont justifié ce report par la nécessité d’expliquer davantage les mesures d’austérité que le gouvernement doit prendre.
Mais ce sont bien les réformes structurelles que Le Caire doit mettre en œuvre pour mériter cette aide, réformes qui risquaient d’avoir un impact négatif sur la consultation organisée par le président Mohamed Morsi, come l'analyse le quotidien américain le Wall Street Journal.
Ces réformes sont liées aux conditions assorties par le FMI aux prêts. L'institution a ainsi demandé à l’Égypte de ramener en 2014 à 8 % du PIB un déficit qui avoisine actuellement les 11 %. Pour ce faire, Le Caire est censé augmenter la TVA, réduire les subventions à certains secteurs économiques, ainsi que tenter de mieux contrôler les dépenses notamment celle à destination des plus pauvres. Un agenda économique qui peut se révéler politiquement très sensible.
Couac
Mais la demande de report a aussi été précipitée par un couac législatif qui souligne les vives tensions politiques dans le pays autour des questions économiques. Le gouvernement avait, en effet, annoncé, le 9 décembre, l’augmentation de taxes sur certains produits comme les cigarettes, les boissons alcoolisées et gazeuses.
Une décision censée, entre autre, prouver au FMI la détermination du pouvoir en place à améliorer les recettes fiscales égyptiennes. Pourtant, quelques heures plus tard, Mohamed Morsi a fait marche arrière sur sa page Facebook : “Je n’accepte pas que les Égyptiens subissent des charges supplémentaires sans qu’ils aient exprimé leur accord”.
Une volte-face que les autorités ont tenté d’expliquer en parlant d'un cafouillage intervenu lors du processus d’adoption du texte. Selon la version officielle, le Premier ministre, Hecham Qandil, aurait annoncé la mesure sans l’accord du président. Mais pour d’autres, c'est la levée de bouclier publique provoquée par la mesure qui explique le rétropédalage. “Le gouvernement a agi de manière stupide en annonçant sans consultation des mesures forcément impopulaires à un moment très mal choisi”, explique Abdallah Shehatta, un ancien analyste fiscal du FMI, au Wall Street Journal.
Des fonds, des fonds, des fonds
Si le report du prêt de 4,8 milliards de dollars découle de la situation politique délicate en Égypte, ce délai pourrait, in fine, servir les intérêts de Mohamed Morsi. Mais uniquement si le "oui" remporte le référendum. “Une large majorité en faveur du changement de Constitution donnerait au gouvernement une légitimité qui pourrait lui permettre de renégocier en sa faveur les conditions du prêt”, a expliqué Hani Sabra, un spécialiste du Moyen-Orient travaillant au sein d'un cabinet de conseil américain Eurasia Group, au Financial Times.
Si le report peut s’avérer politiquement gagnant, il est en revanche économiquement lourd de conséquences. “Chaque jour qui passe fragilise un peu plus l’économie égyptienne”, souligne Hisham Fahmy, directeur de la Chambre de commerce américaine en Égypte, interrogé par le Wall Street Journal, .
Le problème le plus urgent provient des fonds dont dispose actuellement le pays. Les réserves en devises étrangères de la Banque centrale égyptienne s’élèvent à 15 milliards de dollars contre 35 milliards de dollars à l’époque de Hosni Moubarak. Une somme qui permet tout juste de couvrir environ trois mois d’importations.
Avec un tourisme en berne et un taux de croissance de seulement 2 %, Le Caire a donc un besoin urgent de ce prêt du FMI pour avoir de l’argent frais et faire face à ses échéances. La finalisation d’un accord avec l’organisation internationale est d’autant plus importante qu’un pays comme les États-Unis a subordonné son aide à l’Égypte à celle du FMI.