![Internet : la Syrie coupée du monde numérique Internet : la Syrie coupée du monde numérique](/data/posts/2022/07/17/1658078592_Internet-la-Syrie-coupee-du-monde-numerique.jpg)
Les Syriens n’ont plus d’accès à l’Internet depuis ce jeudi matin. Le seul fournisseur d’accès au Web syrien invoque un problème technique. Une excuse qui ne convainc pas Cedexis, une société française de veille du trafic internet.
Sur la carte mondiale de l’Internet, il y a actuellement un trou noir à la place de la Syrie. “Depuis 10 heures ce matin, toutes les IP syriennes [adresse web, NDLR] ont disparu de l’Internet”, confirme à FRANCE 24 Nicolas Guillaume, porte-parole de Cedexis, une société française d’”aiguilleur du Net” qui surveille le trafic sur le Web et analyse la qualité des services des prestataires internet.
Selon des rebelles, les combats qui se déroulent depuis jeudi à Damas et le long de la route menant à l'aéroport de la capitale n'ont jamais été aussi importants depuis le début du conflit.
La compagnie aérienne Emirates a annoncé qu'elle suspendait ses vols quotidiens pour Damas "jusqu'à nouvel avis". Egyptair a, quant à elle, annulé son vol de vendredi à destination de la ville, en raison "de la détérioration de la situation" autour de l'aéroport. L'avion avait bien atterri à Damas mais s'est vu donner l'ordre de rentrer au Caire.
Dans la soirée, la télévision d’État syrienne a annoncé que les forces du régime avaient sécurisé la zone, mais l’intensité des combats pourrait expliquer en partie l’interruption majeure des télécommunications dans le pays.
En clair, les Syriens ne peuvent, en théorie, plus communiquer en ligne et consulter des sites. Leur seul moyen pour communiquer avec le monde via le Net est soit de posséder un modem satellitaire, soit de se trouver à proximité d’une frontière et de réussir à se connecter à un réseau dans un autre pays.
Le black-out a également été confirmé à l’agence de presse américaine AP par deux autres entreprises américaines spécialisées dans la surveillance du trafic internet (Akamai et Renesys). Depuis le début du conflit qui oppose le régime de Bachar al-Assad aux rebelles syriens, le pays n’avait pas encore été ainsi totalement déconnecté de la Toile. “Il y a bien eu, ces dernières semaines, des ralentissements intermittents de la connexion, mais jamais une coupure totale”, rapelle Nicolas Guillaume.
Pour ce spécialiste, cette plongée du pays dans le noir numérique démontre “les dangers d’un Internet aussi centralisé qu’en Syrie”. En effet, l’accès des Syriens au réseau dépend exclusivement d’un unique fournisseur, la STE (Syrian Telecommunication Establishment), une société contrôlée par le régime.
Cet organisme a, par ailleurs, reconnu le dysfonctionnement mais le met sur le compte d’un problème technique. Une explication à laquelle ne croit pas Nicolas Guillaume : "Un black-out complet implique généralement une manipulation humaine”.
Le précédent Moubarak
La main du régime n’est, cependant, pas forcément derrière cette coupure généralisée. Il peut s’agir, d’après cet expert de Cedexis, d’un sabotage en bonne et due forme ou d’une conséquence collatérale des combats sur le terrain.
Comme il n’y a qu’un seul et unique fournisseur d’accès, le régime est, en effet, victime de cet état de fait au même titre que les opposants à Bachar al-Assad. Sans compter les acteurs économiques du pays, qui ne peuvent plus communiquer avec d’éventuels partenaires commerciaux.
Une nuance de taille avec le précédent Moubarak. Lorsque l’ex-président égyptien avait décidé, fin janvier 2011, de couper l’accès à l’Internet dans son pays pendant près d’une semaine pour tenter de museler les communications des révolutionnaires, il avait permis à l’un des FAI égyptiens de continuer à assurer son service pour les proches du régime, certaines entreprises et les milieux financiers.
Pour le reste, la situation syrienne ressemble fort à l’omerta numérique qui avait prévalu sur les bords du Nil au plus fort de la révolution contre l’ex-raïs. Les mêmes causes vont-elles engendrer les mêmes effets si les autorités syriennes sont bel et bien derrière cette coupure ? Le black-out instauré par le régime de Moubarak n’avait pas empêché les révolutionnaires de communiquer entre eux et, surtout, cette décision avait provoqué une levée de bouclier internationale. Au final, l’Égypte avait dû se résoudre à rétablir l’Internet après cinq jours de coupure.