logo

Vers un encadrement plus strict de la presse britannique ?

Plus d’un an après le scandale des écoutes téléphoniques au Royaume-Uni, une commission d’enquête a préconisé, jeudi, d'encadrer plus strictement les pratiques des médias. La proposition inquiète une partie de la classe politique.

La commission, mise en place par le gouvernement britannique dans la foulée du scandale des écoutes téléphoniques illégales, a recommandé de créer un nouvel organe indépendant et auto-régulé, inscrit dans la loi, pour contrôler la presse. Elle a déploré le comportement "scandaleux" de certains journaux. 

Dans un rapport de près de 2 000 pages rendu public jeudi, le juge Brian Leveson en charge de l’enquête, conseille la création d’une nouvelle entité donc l'objectif affiché serait de "réguler" les médias. "Ce qui est proposé ici est une régulation indépendante de la presse, organisée par la presse, mais inscrite dans un cadre législatif pour s'assurer que les niveaux requis d'indépendance et d'efficacité sont atteints", préconise la commission dans son rapport.
Cet organe "doit promouvoir un journalisme de bonne qualité et protéger à la fois les intérêts du public, et les droits et libertés des individus. Il doit mettre en place et faire respecter ces critères, traiter les plaintes formulées à l'égard de ses membres et fournir un arbitrage juste, rapide et bon marché", poursuit le rapport.
Après un an d’enquête, le juge Brian Leveson a fustigé certains journaux, dont le comportement a "parfois causé des dégâts, dans la vie de personnes innocentes dont les droits et les libertés ont été bafouées". Des déclarations qui font notamment référence aux journalistes de l’ancien tabloïd de Rupert Murdoch, "New Of The World", qui n’avaient pas hésité à pirater le téléphone d’une jeune fille disparue en 2002 et retrouvée morte, afin d’accéder illégalement à sa messagerie.
Ce genre de pratiques, qui se sont révélées courantes au début des années 2000, ont éclaté au grand jour durant l’été 2011, ébranlant sérieusement l’image de la presse britannique, déjà réputée pour son intransigeance et sa virulence.
"Il y a eu trop de fois où certains organes de presse, en quête d'une bonne histoire, ont agi comme si le code de conduite établi par les médias n'existait pas", a souligné le juge, qui estime également que les hommes politiques de tous les partis ont développé "une relation trop proche avec la presse qui n'a pas été dans l'intérêt du public".
L'autorégulation est actuellement la règle au sein des médias britanniques, au travers de la "Commission chargée des plaintes concernant la presse". Cet organisme, fondé par la presse et où siègent des rédacteurs en chef, a été beaucoup critiqué pour son impuissance.
"Nous risquons de franchir le Rubicon"
Hacked Off, un groupe de soutien aux victimes des excès des médias, qui compte dans ses rangs l'acteur Hugh Grant, a jugé les propositions de la commission étaient "raisonnables et proportionnées".
Le Premier ministre britannique David Cameron a accueilli favorablement devant le Parlement les principes suggérés par le rapport Leveson, proposé des discussions entre les partis, mais exprimé des réserves et de "sérieuses inquiétudes" sur le recours à un texte de loi. Dans un discours prononcé jeudi devant la chambre des Communes en présence de victimes d’écoutes illégales, il a exprimé ses réticences face à la création de cette nouvelle entité de régulation. "J'ai de sérieuses inquiétudes et des doutes à propos de cette recommandation. Nous franchirions le Rubicon si nous inscrivions dans la loi des éléments de régulation de la presse... Nous devrions réfléchir très, très attentivement avant de franchir cette ligne", a-t-il déclaré avec prudence.
Le chef du gouvernement semble plus que jamais dans l’impasse. En plébiscitant la proposition, il risque de s’attirer les foudres des médias et de certains responsables de son Parti conservateur, qui voient dans cette recommandation un risque intolérable pour la liberté de la presse. Mais dans le même temps rejeter en bloc les recommandations signifie qu’il provoquera la colère des les libéraux démocrates, membres de sa coalition... mais aussi d'une partie de l’opinion publique.
FRANCE 24 avec dépêches