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Quand l'UMP ne remplit plus son rôle d'opposition

Trop occupés à gérer la débâcle au sein de leur parti, les élus UMP brillent par leur absence à l’Assemblée nationale et au Sénat. Quel impact leur désertion a-t-elle sur la vie politique ? La gauche en profite-t-elle ? Éléments de réponse.

Depuis dix jours que la famille UMP se déchire, les bancs de l’Assemblée et du Sénat semblent désertés par "le premier parti de France". À gauche, cette absence n’est pas passée inaperçue comme l’ont fait remarquer plusieurs élus notamment sur Twitter.

À mesure que la crise de l’UMP s’éternise, certains craignent que la défection des élus de droite n’ait des répercussions sur la vie politique française dans son ensemble.
Ainsi, après avoir été retoqué fin octobre par le Conseil constitutionnel, le nouveau projet de loi sur le logement social présenté par Cécile Duflot, qui avait donné lieu à trois jours et trois nuits de débat acharné à l’Assemblée nationale, a été adopté le 27 novembre par les députés discrètement et en quelques heures seulement. Les élus UMP qui avaient déposé 150 amendements n’en ont finalement défendu qu’une trentaine.

Plus tôt, dans la nuit de lundi à mardi, c’est le projet de budget de la Sécurité sociale qui a été adopté en seconde lecture. Sur la dizaine de nouveaux amendements adoptés, certains auraient dû susciter une levée de boucliers à droite : garantie du secret pour la contraception des mineures, élargissement des droits de parentalités pour les couples lesbiens, etc.

"Leur vie est ailleurs"

Autant d’éléments qui laissent à penser que l’opposition ne remplit plus son rôle. "Effectivement, ils sont retenus dans d’autres réunions, leur vie est ailleurs", confirme Laurence Rossignol, sénatrice PS dans l’Oise, interrogée par FRANCE 24. Selon elle, leur absence est tout à fait naturelle et "compréhensible" étant donné que "l’hémicycle est avant tout un lieu de confrontation et d’exposition", explique la sénatrice pour qui une telle crise ne peut que forcer à la discrétion et "rendre moins arrogant."

Même son de cloche du côté du politologue et maître de conférence à Sciences Po, Thomas Guénolé, joint également par FRANCE 24 : "En pleine guerre civile, les élus UMP n’ont que faire du projet de loi Duflot… La priorité va au parti et à leur carrière politique avant d’aller aux différentes lois." Une attitude qu’il ne voit pas carriériste pour autant : "Il est tout à fait légitime que les élus s’assurent un avenir politique, tout comme vous et moi nous défendrions nos carrières."

"On ne peut pas parler de défection"

À l’UMP, certains essaient de défendre ce ralentissement d’activité. Conseiller de Paris et ancien secrétaire national de l’UMP en charge de la croissance, le copéiste Jérôme Dubus estime que si les élus se font plus discrets, l’opposition "ne déserte pas le terrain" : "Nous sommes auprès des électeurs et des citoyens. Ce matin encore, j’ai pris un petit déjeuner avec le maire du 6e arrondissement, Jean-Pierre Lecoq, durant lequel nous avons notamment discuté de la politique des transports à Paris", a-t-il expliqué lors d’un entretien accordé à FRANCE 24. Selon lui, l’absence des députés peut aussi s’expliquer par le peu d’engouement que le projet de loi de Cécile Duflot a suscité. "À part quelques modifications pour rendre le texte constitutionnel, aucun grand changement n'a été apporté. C'était perdu d'avance pour l'opposition", selon le conseiller de Paris.

Ce qui l’inquiète, en revanche, c’est le manque de réactions de l’opposition dans les médias depuis une dizaine de jours : "Nous devrions porter le fer de manière beaucoup plus virulente notamment sur les derniers chiffres du chômage ou par rapport à l’affaire Mittal. Il y a également eu trop peu de réactions face à la cacophonie du gouvernement concernant le mariage gay. Mais on ne peut pas pour autant parler de défection", assure-t-il.

"En leur absence, on va plus vite"

En tout état de cause, Laurence Rossignol affirme que l’absence de l’UMP ne change pas la vie politique au court terme car n’étant pas majoritaires, la droite ne peut "handicaper les objectifs fixés" par François Hollande. "Etant pour l’instant privés d’obstruction, il est évident que l’on va plus vite", confie-t-elle.

Plus nuancé, Thierry Mandon, député PS de l’Essone, affirme que la situation "n’aide quasiment pas les socialistes." Pour lui, il n’y a "aucun profit à tirer si tout le monde n’est pas inclu dans le débat démocratique." Le député se montre même inquiet et craint que "ce délitement de la vie politique qui n’est pas sain profite aux partis politiques extrêmes." Il dit préférer une opposition "avec qui on peut discuter et se battre."

Alors que le feuilleton de l’UMP évolue heure par heure à coups de rebondissements, difficile de savoir si et quand un retour "à la normale" va s’opérer. "Les élus finiront par reprendre le travail, mais la conséquence directe dans les prochains mois est que l’UMP n’a plus aucune crédibilité en tant que force d’opposition. Un handicap qu’ils pourraient même conserver jusqu’à 2015 (date à laquelle le nouveau président de l’UMP sera élu, ndlr) si le référendum sur un nouveau vote n’a pas lieu", prévoit Thomas Guénolé pour qui cette affaire souligne avant tout "une grave crise de la démocratie représentative." "Depuis quelques années, la fraude semble se généraliser dans les partis politiques français sans que cela n’inquiète personne", déplore-t-il.