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envoyée spéciale en Tunisie – Le ministre tunisien de la Culture, Mehdi Mabrouk, défend une "approche réaliste" de la création : oui à la liberté d’expression mais dans le respect du sacré. Une position qui créé le désarroi chez les artistes.

C'était en juin dernier. Au palais d'El-Abdellia, dans le quartier huppé de La Marsa, aux abords de Tunis, des œuvres d’une exposition d’artistes plasticiens, intitulée le Printemps des Arts, étaient endommagées par de jeunes salafistes qui les jugeaient blasphématoires. Le ministre de la Culture, Medhi Mabrouk, décidait alors de lancer des poursuites en justice contre... l’association organisatrice de l'événement, déclarant "l'art doit être beau mais pas révolutionnaire".

Six mois après ces incidents, le ministre pense avoir regagné la confiance de la  communauté artistique. Laquelle semble, pourtant, encore éprouver une certaine défiance à son égard.

"Nous avons pu dépasser la crise qui s’est déclenchée suite aux incidents du palais d’El-Abdellia", a-t-il estimé lors d'une interview accordée à RFI et à FRANCE 24 en marge des Journées cinématographiques de Carthage (JCC) à Tunis. Nous sommes en train de rétablir une relation de confiance avec les artistes."

Le ministère de la Culture a certes retiré sa plainte contre l'association, mais deux des artistes plasticiens participant à l’exposition, Nadia Jelassi et Mohamed Ben Slama, sont encore sous le coup de poursuites judiciaires pour trouble à l'ordre public. Nadia Jelassi a été convoquée par la justice tunisienne fin août et a dû se soumettre à des tests anthropométriques, qui ont déclenché une vague d'indignation sur le Web. "Certes, le ministre s’est rétracté. Il n’est plus contre nous à 100 %, mais du moment que l’instruction n’a pas été levée, je demande des preuves de son soutien", explique Nadia Jelassi, interviewée par Sophie Torlotin, journaliste à RFI.

Depuis le mois d’août, le ministre souffle le chaud et le froid : d'un côté, il poursuit en justice des salafistes pour avoir troublé la tenue de certains festivals culturels cet été ; de l’autre, il déclare que la révolution iranienne a été une source d'inspiration pour la révolution tunisienne.

Mehdi Mabrouk juge lui qu’il défend une approche "réaliste" : "J’ai attesté mon soutien aux artistes qui ont été agressés, déclare-t-il à RFI et à FRANCE 24. Je suis toujours pour la liberté d’expression et pour la liberté de création. Sauf que nous devons considérer ces actes dans un contexte extrêmement délicat par lequel passe le pays. Vous pouvez être des avant-gardistes, mais soyez compréhensifs […] Pour moi, Dieu et le prophète Mohamed ne doivent pas faire l’objet de caricatures."

De leur côté, les cinéastes et les plasticiens ne sont pas forcément du même avis. Comment la révolution a changé leur rapport avec le pouvoir ? Était-il plus difficile d’être artiste sous Ben Ali ou sous l’actuel gouvernement ?