logo

Gaza : premières leçons d’une guerre

La trêve conclue entre Israël et le Hamas sera-t-elle durable ? Quoiqu’il en soit les belligérants semblent avoir l’un comme l’autre atteint leurs objectifs. À court terme.

Ce nouvel épisode de la guerre sans fin entre Israël et le Hamas s’achève – si la trêve est respectée – comme le précédent : sans réel vainqueur stratégique.

Le mouvement de la résistance islamique a effectué des centaines de tirs sur Israël, dont plusieurs dizaines de missiles à moyenne portée (Fajr-5 de fabrication iranienne) en direction des agglomérations de Tel Aviv et de Jérusalem. C’est une nouveauté qui renforcera son prestige auprès des Palestiniens. Mais la plus grande partie a été interceptée par le "Dôme de Fer". Le dispositif anti-missiles de Tsahal, très coûteux, a fait la démonstration de son efficacité. L’impact psychologique n’est évidemment pas négligeable, mais, à tout prendre, il est beaucoup plus supportable pour la société israélienne que les campagnes d’attentats terroristes du début des années 2000.

La revendication par le Hamas de l’explosion dans un autobus de Tel Aviv qui a fait une vingtaine de blessés paraît encore opportuniste. Les détails ne sont pas encore connus, mais il est clair que le Hamas n’a évidemment pas obtenu satisfaction de sa demande de levée du blocus de Gaza. Ce blocus est d’ailleurs de plus en plus fictif. Armes, nourriture, ciment, voitures… Tout ou presque pénètre sur le territoire qu’il contrôle par l’intermédiaire des tunnels. Sans parler des officiels étrangers qui y sont reçus sans difficulté.

Israël, de son côté, affirme avoir déjà détruit 80 % à 90 % du stock de roquettes palestiniennes et a éliminé plusieurs responsables militaires du Hamas et du Djihad islamique. Mais d’autres prendront bientôt la relève et, d’ici quelques mois, le Hamas aura reconstitué, voire même augmenté son arsenal.

Pour autant, du point de vue israélien, cette opération "Pilier de défense" était devenue indispensable, comme une intervention de "maintenance". Plusieurs responsables militaires interrogés par Ethan Bronner du New York Times utilisent la métaphore de la tondeuse à gazon : de temps en temps, disent-ils, il faut bien couper l'herbe, même si cela repousse parfois plus vite. Mais c’est un travail sans fin. Tout juste peut-on remarquer que cette fois-ci Israël tirant les leçons de "Plomb durci" aura veillé à limiter les pertes tant au sein de ses troupes que du côté palestinien. Une centaine de morts, dont une moitié de civils, c’est encore terrible, mais quand même dix fois mois qu’en 2008.

Le gain, si gain il y a, est politique, et il est pour les deux camps. De même que les deux côtés sont également responsables du déclenchement des hostilités, ils ont maximisé leurs objectifs respectifs qui ne sont nullement contradictoires. Le Hamas avait fait preuve d’une certaine retenue depuis deux ans, laissant les tirs de missiles au Djihad islamique et à d’autres groupes dissidents, plus ou moins partisans de la guerre sainte. Ces derniers temps, Ahmed Djabari, le chef de la branche militaire du Hamas, tué par Tsahal, avait changé de stratégie et rétabli la liaison avec des groupes plus radicaux. Ce qui a fait dire à Alouf Ben, l’éditorialiste du journal israélien Haaretz, qu’en l’éliminant, Israël avait voulu punir un "sous-traitant" de sa sécurité devenu défaillant.

Saper l'opération d'Abbas à l'ONU

Pourquoi ce changement ? Parce que pour le Hamas aussi, de façon étonnamment symétrique, il faut, de temps en temps, entretenir la flamme de la résistance à l’ennemi. Il y avait danger à laisser Mahmoud Abbas monopoliser l’attention internationale avec sa demande de statut étatique pour la Palestine le 29 novembre prochain à l’ONU.

Après dix jours d’affrontement entre Israël et le Hamas, le président de l’Autorité palestinienne est complètement marginalisé. Il reçoit toujours des visiteurs à Ramallah mais les Turcs, les Qataris et les Égyptiens ne prennent même plus la peine de le consulter. Et pour cause : le contact avec les Gazaouis étant rompu, on voit mal comment Abbas pourrait leur être d’une quelconque utilité.

Comme les Israéliens ne se privent pas de le faire remarquer, quel sens cela a-t-il de donner un statut de chef d’État à quelqu’un qui ne peut même pas mettre les pieds sur une partie du territoire revendiqué ? Saper l’opération d’Abbas à l’ONU : le but, partagé par le Hamas et par Netanyahou, est atteint.

On pourra disserter à l’infini sur l’injustice faite à Mahmoud Abbas. Un homme qui n’a cessé, depuis des années, de donner des gages de modération. Le dernier en date est sa déclaration incroyablement courageuse laissant entendre qu’il était prêt à renoncer à l’exercice du droit au retour des réfugiés, ou du moins à ne l’exercer qu’à l’intérieur du futur État palestinien. Les quelques manifestations de solidarité – pas toujours spontanées – en Cisjordanie ne feront qu’alimenter la crainte des Israéliens de voir s’y installer une deuxième base de lancement de missiles.

Renforcer sa popularité

L’autre objectif du chef du Likoud était bien sûr, même s’il ne l’admettra pas, de renforcer sa popularité à deux mois des législatives. Bien sûr, il n’en avait absolument pas besoin. Bien sûr, il se devait de ne pas rester inactif devant la recrudescence des tirs de missiles de Gaza. C’était une mission compliquée. "Plomb durci" n’avait pas empêché Ehoud Olmert d’être battu aux élections. Il fallait faire preuve de mesure.

Ne pas engager le pays dans une nouvelle opération militaire terrestre d’envergure. À cette condition, il pouvait marginaliser tous ses rivaux potentiels et rendre impossible la campagne travailliste en préparation, axée sur les problèmes sociaux pourtant de plus en plus sévères en Israël.

Consciemment, les deux parties prenantes ont donc accepté de se renforcer mutuellement.

Le problème, c’est que cela ne règle aucune question de fond. Si l’objectif du Hamas était la création d’un État palestinien (ce qui est douteux), cette cause n’a pas fait le moindre chemin. Si, pour le gouvernement israélien, il s’agissait de permettre à ses citoyens de vivre en sécurité, c’est également raté, car les missiles reviendront tôt ou tard.

Il n’y a pas de solution militaire au problème israélo-palestinien. Mais ni le Hamas, ni la droite israélienne au pouvoir ne veulent entendre parler d’une solution politique.