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Alors que la rébellion du M23 continue d’avancer dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), l’ONU, dont un important contingent est présent dans le pays, apparaît comme impuissante.

Ce fut une bataille peu disputée. Mardi 20 novembre, l’armée régulière de la République démocratique du Congo (RDC), épaulée par l’ONU, a été tenue en échec par la rébellion du Mouvement du 23-Mars (M23) à Goma, la capitale du Nord-Kivu, ainsi que dans deux postes-frontières près du Rwanda. Pour le contrôle de ces points stratégiques, pourtant, pas de combats acharnés. Les rebelles n’ont, en effet, rencontré que peu de résistance de la part de l’armée régulière, les militaires fuyant devant leur progression. Une faiblesse surprenante alors que l’armée congolaise est aidée sur place par le plus gros contingent des Nations unies déployé dans le monde : 17 000 hommes de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco) sont présents sur le sol congolais.

"Absurde"

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Le M23 veut aussi "libérer" le reste de la RDC

Le M23 - des mutins, pour la plupart Tutsis, issus du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) - a annoncé mardi soir ne pas vouloir s’arrêter à Goma. "Le président Joseph Kabila a montré ses limites et ne peut plus être à la tête du Congo", a affirmé sur l’antenne de FRANCE 24 le colonel Jean-Paule Epenge, représentant du M23 en Europe. Le Conseil de sécurité de l’ONU a demandé, pour sa part, aux rebelles de rendre les armes ainsi que l’ouverture d’une enquête "dans les prochains jours" sur d'éventuels soutiens extérieurs au M23, aidé selon Kinshasa et des experts des Nations unies par le Rwanda, et, dans une moindre mesure, l'Ouganda.

Mais la mission des Nations unies en RDC est également pointée du doigt. Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a émis des doutes, mardi, sur le bien-fondé du mandat des troupes étrangères qui se limite à la protection des civils, du personnel humanitaire et du personnel chargé de défendre les droits de l’Homme. "Déployer 17 000 hommes et fixer un mandat qui ne permet pas d'intervenir, c'est absurde", a-t-il dit.

"Comment se fait-il qu’on n’arrive pas à arrêter une rébellion ?", s'est interrogé pour sa part, ce mercredi, Didier Reynders, le ministre des Affaires étrangères de Belgique, l'ancienne puissance coloniale de la RDC. Selon lui, le mandat de l’ONU est insuffisant : "On n’a pas doté la Monusco de moyens suffisants", notamment pour mener des "missions offensives lorsque des rebelles se lancent comme ça dans des opérations", a-t-il ajouté.

Marge de manœuvre limitée

Si, samedi 17 novembre, des hélicoptères de l’ONU ont bombardé, à Kibumba, des positions du M23, la Monusco n’est en revanche pas intervenue mardi lors de la prise de Goma ou des postes-frontières.

Une passivité qui s'explique par la crainte de faire des victimes parmi les civils, ainsi que par la fuite des forces gouvernmentales congolaises (FARDC), selon un responsable de l’ONU à New York qui a souhaité garder l’anonymat.

"Nous ne sommes pas l’armée d’un pays, nous protégeons les civils, c’est différent", s’est défendu le responsable de l’ONU. "La force présente sur place n’est pas destinée à un combat de rue."

Mais, pour Philippe Hugon, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), en charge de l'Afrique, joint par FRANCE 24, la passivité de la Monusco marque bel et bien "un aveu d’impuissance de l’ONU". "Les forces onusiennes ne servent pas à grand chose. Et sans négociation politique dans le pays, on peut être dubitatif quant au rôle des Nations unies."

Les faiblesses du pouvoir congolais

Selon le spécialiste, le contingent onusien est otage d'un bras de fer inégal entre l’armée congolaise et la rébellion. "Que peuvent faire les Nations unies dès lors qu’on est dans un rapport de force en faveur du M23, qui est bien équipé, notamment par le Rwanda, et très motivé ?" soulève Philippe Hugon. "Si le réel intérêt de la Monusco est de défendre la population, il faut que les forces armées du pays aient les moyens de combattre la rébellion."

Déjà, en juillet, une source interne à la Monusco soulignait, dans un entretien à FRANCE 24 : "Le talon d’Achille de la RDC, c’est son armée, qui n’a rien d’une armée républicaine. Les salaires ne sont pas payés, les soldats pas nourris, alors certains se révoltent, fuient et pillent."

À l’heure où l’ONU envisage d’intervenir aux côtés de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) et de l’armée malienne au Nord-Mali, où sévissent des groupes islamistes, la situation en RDC apparaît de mauvais augure.