Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) a acquitté en appel les ex-généraux croates Ante Gotovina et Mladen Markac. Ces derniers avaient été préalablement condamnés à 24 et 18 ans de prison pour crimes de guerre.
Considérés dans leur pays comme des "héros" de l'indépendance, les anciens généraux croates Ante Gotovina et Mladen Markac ont été acquittés vendredi en appel par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), qui les avait condamnés en première instance à 24 et 18 ans de prison, respectivement, pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre.
"La chambre d'appel (...) ordonne la libération immédiate d'Ante Gotovina et Mladen Markac et ordonne au greffe de prendre les dispositions nécessaires", a déclaré le juge Theodor Meron lors d'une audience publique à La Haye, où siège le TPIY.
La chambre d'appel a estimé vendredi que la condamnation des deux hommes avait été basée sur le raisonnement "erroné" selon lequel tout tir d'artillerie tombant à plus de 200 mètres d'une cible militaire était une attaque contre des civils. Elle a également cassé la conclusion de la chambre de première instance sur l'existence "d'une entreprise criminelle commune dont le but était le déplacement forcé et définitif des civils serbes de la région de la Krajina".
Les milliers de personnes rassemblées sur la place centrale de Zagreb pour regarder le jugement retransmis en direct sur un écran géant ont laissé exploser leur joie ou ont éclaté en sanglots, au même titre que les quelques supporteurs des deux généraux rassemblés dans la galerie du public du TPIY.
"Les mots ne peuvent pas décrire la situation, la justice existe!", s'est exclamé les larmes aux yeux Daniel Lukic, un représentant du Congrès mondial croate, une ONG qui défend les intérêts croates dans le monde, présent dans la galerie du public, alors que l'épouse de Mladen Markac, Mirjana, également présente au TPIY, était félicitée et enlacée par les supporteurs des deux généraux.
Ces derniers, le sourire au lèvres, se sont sobrement contentés d'échanger une poignée de main à la fin de l'audience. MM. Gotovina et Markac, tous deux 57 ans, avaient été reconnus coupables en avril 2011 de meurtre, traitements cruels et actes inhumains, notamment, lors de la guerre de Croatie (1991-1995) contre des Serbes de leur pays.
A l'extérieur du TPIY, des supporteurs des deux généraux ont débouché des bouteilles de champagne en reprenant en choeur des chants nationalistes croates. "C'est un grand jour pour nous", a soutenu Zvonko Komsic, 53 ans, avant de boire une gorgée de champagne.
Ante Gotovina avait mené en 1995 l'opération "Tempête" des forces croates, qui avait pour but la reconquête de la République serbe autoproclamée de Krajina (sud), une des dernières poches de résistance tenues par les Serbes de Croatie, et avait précipité la fin de la guerre de Croatie.
M. Gotovina était, selon l'accusation, responsable de la mort de 324 civils ou soldats ayant déposé les armes et du déplacement par la force de 90.000 Serbes de la Krajina. Les associations de victimes serbes évoquent pour leur part les chiffres de 220.000 réfugiés et de près de 1.200 civils tués.
L'accusation estimait en outre que d'anciens dirigeants croates, comme l'ex-président Franjo Tudjman, décédé en 1999, avaient, au même titre que M. Gotovina, participé à une "entreprise criminelle commune" visant à chasser les Serbes du pays.
Accueillie positivement par la Serbie et les organisations de défense des droits de l'Homme, la condamnation des deux généraux en première instance avait été très mal acceptée en Croatie, où ils sont considérés comme des "héros".
Des milliers de personnes avaient participé jeudi soir à des messes et veillées en soutien aux deux hommes organisées à travers la Croatie, qui rejoindra l'UE en juillet 2013 après avoir rempli une des conditions imposées en vue de son adhésion : coopérer avec le TPIY.
Ante Gotovina avait été arrêté dans le restaurant d'un hôtel de luxe sur les Îles Canaries en décembre 2005 après s'être caché pendant quatre ans, alors que ses co-accusés s'étaient livrés volontairement le 11 mars 2004. Le procès en première instance s'était ouvert le 11 mars 2008. Le procès en appel a eu lieu le 14 mai 2012.
AFP