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Les Frères musulmans renforcés dans l'opposition par l'arrivée d'Al-Khatib

L'opposition syrienne a désigné à sa tête le cheikh Ahmad Maaz al-Khatib, qui fut l'imam de la célèbre mosquée des Omeyyades à Damas. Si son intégrité semble faire l'unanimité, sa proximité avec les Frères musulmans pose question.

Au terme de quatre jours d'âpres négociations sous l'égide de la Ligue arabe et du Qatar, les différentes composantes de l'opposition au régime de Bachar al-Assad sont parvenues à unir leurs rangs. Dimanche 11 novembre, à Doha, elles se sont en effet regroupées au sein de la Coalition nationale syrienne des forces de l'opposition et de la révolution. Non sans surprise, un imam damascène sunnite, cheikh Ahmad Moaz Al-Khatib, a été élu à sa tête. Un profil religieux atypique qui tranche avec celui des précédents chefs du Conseil national syrien (CNS), principale force de l’opposition ayant rejoint la Coalition nationale, qui étaient tous issus de la société civile.

INFOGRAPHIE

Cet ancien imam de la célèbre mosquée des Omeyyades à  Damas, la plus grande de Syrie, a été emprisonné à plusieurs reprises depuis le début du soulèvement en mars 2011 pour avoir pris position contre le pouvoir. Âgé de 52 ans et géologue de formation, Ahmad Moaz Al-Khatib a quitté la Syrie en juillet dernier avant de trouver refuge en Égypte. Membre d’aucun parti politique mais réputé proche des Frères musulmans, il était le seul candidat en lice pour le poste de président de la Coalition nationale. Son élection autant que sa personnalité semblent faire l’unanimité à Doha.

"Un islamiste éclairé"

"C’est un homme juste, calme et modeste, c’est un musulman à l’image de l’islam de Syrie qui reconnait et qui est attaché à la diversité de la société multiconfessionnelle du pays", explique Omar al-Idlibi, représentant à Doha des Comités locaux de coordination (LCC), un important réseau de militants menant la révolte sur le terrain en Syrie. Joint au téléphone par FRANCE 24, ce dernier affirme que son réseau "a une grande confiance en Ahmad Moaz Al-Khatib". Khaled al-Zeini, membre du CNS, estime lui qu’Ahmad Moaz Al-Khatib "est une figure de consensus qui bénéficie d'un véritable soutien populaire sur le terrain", selon des propos rapportés par l’AFP.

Interrogé par Reuters peu après la défection de l’ancien imam, l’opposant Fawaz Tello avait qualifié Ahmad Moaz Al-Khatib "d’islamiste éclairé", précisant qu’il pourrait jouer "un rôle crucial pour calmer la situation après la chute de Bachar al-Assad", en mettant à profit ses relations avec plusieurs responsables religieux du pays.
S’il confirme la bonne réputation du personnage, "une personnalité religieuse très respectée à Damas", l’opposant Haytham Manaa, président du Comité national pour le changement démocratique, un courant opposé à la militarisation du soulèvement, s’interroge de son côté du bien-fondé de son élection. "Je respecte Ahmad Moaz Al-Khatib, mais est-ce que la Syrie doit être représentée par des religieux ? Ce n’est pas sûr que ce soit pertinent, confie-t-il à FRANCE 24. Le fait qu’il ait conclu son premier discours de président de la Coalition nationale par une formule utilisée par les Frères musulmans annonce la couleur."
Mainmise des Frères musulmans
Selon Fabrice Balanche, directeur du groupe de recherches et d'études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient et professeur à Lyon-2, Ahmad Moaz Al-Khatib "est un choix par défaut", car les ténors de l’opposition n’ont pu s’accorder sur l’un d’entre eux. "La coalition étant dominée par les Frères musulmans, il n’est guère surprenant de voir à sa tête un de leur compagnon de route, proche de leur idéologie, qui défend lui aussi l’islam politique", explique le spécialiste. D’après lui, l'ancien député et homme d'affaires Riad Seif, membre influent de l'opposition, a été élu vice-président de la coalition aux côtés de la militante de l'opposition Suhair al-Atassi "afin de rassurer tout le monde" avec des noms plus connus.
Toutefois, l’influence d’Ahmad Moaz Al-Khatib sera semble-t-il limitée sur la nouvelle instance créée à Doha. "Il serait surprenant qu’il ait une réelle influence sur les choix stratégique de l’entité, car ce sont les Frères musulmans, soutenus par le Qatar, qui sont devenus les acteurs incontournables de l’opposition", explique Fabrice Balanche.
Une analyse que partage Haytham Manaa. "Ce modéré, bien qu’il se dise indépendant, ne peut aller dans le sens contraire voulu par les conservateurs islamistes qui ont la mainmise sur cette coalition", explique le militant des droits de l’Homme. Et de conclure : "L’homme que je connais est capable de démissionner en cas de désaccord ou de fortes pressions occidentales, mais beaucoup de personnes que je connaissais avant la révolution ont changé depuis".