L'opposition syrienne, réunie au Qatar, tente de surmonter ses dissensions chroniques. En exil ou restés au pays, les opposants se disputent le partage de la nouvelle direction politique, au cœur des discussions.
Tandis que le président Bachar al-Assad a écarté une nouvelle fois, jeudi, tout départ négocié du pouvoir et tout exil à l'étranger, de son côté, l’opposition syrienne peine toujours à unifier ses rangs. Réunie dans toute sa diversité, depuis ce matin à Doha, sous l'égide du Qatar et de la Ligue arabe, en présence de représentants de nombreux pays occidentaux, elle tente de mettre sur pied une instance dirigeante chargée de préparer la transition post-Assad.
Pression internationale
Outre les représentants du Conseil national syrien (CNS, principale coalition de l'opposition), réunis depuis dimanche à Doha pour renouveler leurs instances et élire leur nouveau président, des délégués des Comités locaux de coordination et des indépendants sont présents dans la capitale qatarie. Cette initiative a été qualifiée par Damas de projet "terroriste" de "destruction" de la Syrie.
Le Qatar, qui finance ouvertement la rébellion et qui avait proposé sans succès le déploiement d'une force arabe en Syrie, a mis tout son poids diplomatique pour s’assurer du succès de cette conférence. Le Premier ministre et ministre qatari des Affaires étrangères, cheikh Hamad ben Jassem al-Thani, a incité les participants à "faire prévaloir l'intérêt de la Syrie et de son peuple sur les intérêts personnels". Des propos qui illustrent la pression croissante exercée sur les opposants conjointement par les Arabes et les Occidentaux, lassés par les querelles internes de l’opposition. "Vous avez la responsabilité historique d'œuvrer à unifier vos rangs", a-t-il ajouté à l'ouverture de la conférence, organisée alors que le soulèvement contre le régime de Bachar al-Assad est entré dans son 21e mois.
Officiellement, les discussions se déroulent dans "une atmosphère positive" selon Ahmad Ramadan, un membre du CNS joint au téléphone par l’antenne de FRANCE 24. "Plusieurs propositions sont en train d’être examinées, les réunions sont positives, nous sommes très prêts d’un accord entre tous les groupes de l’opposition", a-t-il déclaré
Un CNS désuni
Deux propositions visant à fédérer l'opposition au régime syrien sont notamment à l’étude. La première est celle de l'ancien député Riad Seif, soutenue par les États-Unis. Elle prône la création d'un "Comité de l'initiative nationale syrienne" rassemblant les différentes composantes de l'opposition, et d'un gouvernement en exil. Au départ, la réunion devait débattre uniquement de cette initiative. Mais le CNS, qui a exprimé des craintes d'être marginalisé dans le cadre d'une instance plus large de l'opposition syrienne, a rendu publique mercredi soir sa propre initiative. Elle préconise "la tenue dans les territoires libérés d'un congrès national de 300 membres -dont des représentants du CNS, des comités locaux administrant les zones libérées, des personnalités ayant fait défection, et de l'Armée syrienne libre".
Ahmad Ramadan a toutefois assuré que la proposition de Riad Seif était toujours à l'étude. Mais signe des dissensions internes du CNS, son ancien président Burhan Ghalioune a lui écarté le projet Seif. "Le but de cette conférence n’est pas de discuter de telle ou telle initiative, qu’elle soit personnelle ou imposée par des tiers, nous sommes là pour travailler afin de se mettre d’accord sur une initiative commune", a-t-il expliqué à FRANCE 24. Et d’ajouter : "En cas d’accord entre toutes les parties, ce qui peut arriver aujourd’hui ou plus tard, il sera alors question de réfléchir à la constitution d’un gouvernement de transition". La conférence pourrait se prolonger pendant deux ou trois jours, selon lui.
"Pour le moment, le CNS semble encore plus désuni qu’il y a quelques jours, c’est exactement ce que voulaient éviter les Occidentaux", rapporte Victoria Baux, correspondante de FRANCE 24 à Doha. Sur son compte Twitter, cependant, le représentant du gouvernement britannique, Jon Wilkins, se montrait optimiste pour la suite. "Je reste à Doha. L’opposition syrienne a reconnu le besoin de bâtir des ponts entre le CNS et les autres, particulièrement ceux qui sont à l’intérieur du pays".