logo

Fernando Haddad ou le renouveau du Parti des travailleurs

Fraîchement élu à la municipalité de Sao Paulo, Fernando Haddad incarne la nouvelle garde du Parti des travailleurs, et contribue à redorer l'image du parti de l'ex-président Lula, mis à mal par un gigantesque scandale de corruption.

C’est une victoire qui en dit long sur le Parti des travailleurs (PT) de Dilma Rousseff. L’une de ses jeunes figures, Fernando Haddad, a été élu maire de Sao Paulo, la plus grande ville du pays, en obtenant près de 56 % des voix face à l'ancien gouverneur José Serra, membre du parti centriste (PSDB).

Ce succès aux municipales était pourtant loin d'être acquis pour le parti, éclaboussé par le très médiatisé procès du gigantesque scandale dit du "mensalao" ("la grosse mensualité", en français). À quelques jours du premier tour des élections municipales, plusieurs grandes figures du PT, proches de l'ancien président Luis Ignacio da Silva (2003-2011), ont été reconnues coupables d'avoir orchestré un système d'achat de votes au Parlement entre 2003 et 2005.

Mais Fernando Haddad, 49 ans, a créé la surprise en se qualifiant pour le deuxième tour, écartant ainsi le favori des sondages, l’animateur de télévision et candidat des Églises évangéliques, Celso Russomanno. Au second tour, le candidat PT, ancien professeur d'économie et docteur en philosophie à la prestigieuse université de Sao Paulo, a mis à profit son expérience universitaire pour séduire les classes moyennes situées à la périphérie de la ville mais aussi les classes plus aisées du centre.

Il a ainsi offert ainsi une précieuse victoire au PT – le parti avait perdu à Sao Paulo les deux précédentes élections municipales – et infligeant une nouvelle défaite à José Serra, qui devrait mettre un terme à sa carrière politique après son échec aux élections présidentielles de 2002 et 2010.

"Les Brésiliens nous ont absous de l'affaire du mensalao"

Preuve, pour Gaspard Estrada, chercheur à l’Observatoire politique de l’Amérique latine et des Caraïbes (Opalc), que le procès de l’affaire du "mensalao", n'a "pas été déterminant dans ces élections. "Pour les municipales, les électeurs s’intéressent à des problématiques concrètes comme l’accès à l’eau ou aux soins, et non à la justice et à la morale", indique-t-il. Lors de ces élections, le PT a progressé de 14 % au niveau national en remportant 635 mairies, contre 558 en 2008, même s’il a reculé dans certaines grandes villes, comme Recife, Fortaleza et Salvador, dans le nord-est du pays.

"Les membres du Parti des travailleurs, eux, se plaisent à dire : 'les Brésiliens nous ont absous de cette affaire'", indique Hervé Théry, chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Pour cause : depuis 2005, date à laquelle le scandale de corruption a éclaté, le PT a mis un soin particulier à renouveler – et rajeunir – ses instances dirigeantes, dont Haddad fait partie. Il est ainsi dissocié de toute affaire de corruption. "Au Brésil, Haddad incarne le symbole du PT 3.0", commente Hervé Théry. "Il n’a pas l’astuce de Lula, mais c’est un politicien honnête et travailleur".

L'ombre de Lula

Derrière cette nouvelle garde plane l'ombre d'un homme : Lula. "Il a réussi son pari de faire gagner son poulain", affirme Hervé Théry qui qualifie l'ancien président de "principal artisan de la victoire de Haddad aux municipales". En témoigne l'hommage appuyé que Fernando Haddad lui a rendu après sa victoire : "Je veux remercier du fond de mon cœur le président Lula pour sa confiance, son orientation et son soutien, sans lequel il m'aurait été impossible de gagner cette élection", a-t-il déclaré.

Fernando Haddad, 49 ans, fils d’immigré libanais né à Sao Paulo, doit l’essentiel de sa carrière à son mentor. "C’est Lula qui l’a nommé au ministère de l’Éducation [entre 2005 et 2011, ndlr], c’est encore Lula qui l’a imposé à son parti comme candidat à la mairie de Sao Paulo et il n'a pas non plus hésité à participer à une douzaine de meetings aux côtés [de son poulain, ndlr]", indique Gaspard Estrada. Méconnu du grand public et dépourvu de toute expérience électorale de terrain, l'ancien ministre de l'Éducation peut en revanche se targuer d'avoir mis en place un programme de bourses qui a permis à un million d'étudiants d'accéder aux universités privées.

L’ascension de Fernando Haddad n’est pas sans rappeler celle de Dilma Rousseff, élue à la présidence en 2010, après avoir été adoubée par Lula. Loin d’essuyer les plâtres du scandale de corruption, l’avenir semble donc sourire au Parti des travailleurs, au pouvoir depuis 2003. Les analystes s’accordent d’ores et déjà à dire que le parti est déjà en ordre de marche pour s'imposer aux présidentielles de 2014.