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Le projet d’intégrer les œuvres d’art de plus de 50 000 euros dans le calcul de l’impôt sur la fortune (ISF) n’a pas eu la vie longue : face à la fronde des musées, le gouvernement s’est désolidarisé de la proposition de loi.
Que les acheteurs qui se presseront à la Fiac, la Foire internationale d’art contemporain, qui ouvre mercredi 17 octobre sous les verrières du Grand Palais, se rassurent : il n’y aura pas d’élargissement de l’assiette de l’impôt sur la fortune (ISF) aux œuvres d’art de plus de 50 000 euros. La fronde, portée médiatiquement par les grands musées nationaux et des artistes renommés tels que Pierre Soulages (photo), a porté ses fruits. Il se dit même que le ministère de la Culture aurait joué de son influence pour faire tomber l’amendement. Le texte, qui doit être discuté par le Parlement dans la loi de finances 2013, a finalement été désavoué par le gouvernement.
"La position du gouvernement est très claire. Il n'y aura pas d'intégration, dans le calcul de l'impôt sur la fortune, des oeuvres d'art", a affirmé le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, sur Europe 1, mardi matin.
Techniquement, cependant, le texte a encore quelques heures devant lui : un gouvernement ne peut pas défaire de lui-même un amendement défendu par un parlementaire – en l’occurrence le député socialiste Christian Eckert, rapporteur général du Budget à l’Assemblée nationale. Le débat sur l’assujettissement des œuvres d’art à l’ISF aura donc bel et bien lieu, en séance, en fin de semaine. Vu la position du Premier ministre, il est cependant peu probable que les députés socialistes défient le gouvernement sur ce sujet.
Au cabinet parlementaire du rapporteur général du Budget, Christian Eckert, député socialiste, l’incompréhension est palpable. "Il s’agissait simplement de conditionner l’exonération des œuvres d’art à un intérêt général : les œuvres d’art qui sont montrées au public, même lors de la seule Journée du patrimoine, ne rentreraient pas dans le calcul de l’ISF. Cela aurait été l’occasion de faire sortir les œuvres des caves pour les exposer", explique Agnès Caradot, assistante parlementaire du député socialiste. "Même en Suisse, les œuvres d’art sont soumises à l’ISF", soupire-t-elle.
"Décourage les collectionneurs"
Traquer les investissements confortables dans des œuvres du patrimoine qui ne sortent jamais de chez leurs propriétaires et échappent à l’ISF : la mesure aurait été toute symbolique, puisque la pression fiscale aurait eu un faible impact : entre 0,5 et 1,5 % du montant (soit entre 250 et 750 euros pour une œuvre valant 50 000 euros). Mais l’argument s’est finalement retourné contre l’amendement : avec un si faible rendement, cette mesure fiscale ne rapportera que quelques millions d’euros dans les caisses de l’État. Alors pourquoi risquer d’ "assister à la disparition des collections historiques" pour collecter une manne assez réduite, s’étaient indignés les présidents des grands musées nationaux - Louvre, Centre Georges Pompidou, Grand Palais, Château de Versailles… dans une lettre de protestation envoyée le 12 octobre au ministère de la Culture, avec copie au chef de l’État et au Premier ministre.
Les collectionneurs d’art avaient également trouvé un soutien auprès de maires socialistes de premier plan, tels que Martine Aubry (Lille), Bertrand Delanoë (Paris) et Gérard Collomb (Lyon), qui se sont émus lundi d’un projet de loi qui "décourage les collectionneurs (…), piliers de l’accompagnement de la création artistique et de la préservation de notre patrimoine".
À présent que l’amendement a peu de chances de survie, la polémique (arguments points par points à lire sur le site La Tribune de l'Art) est vite retombée. Resteront dans les annales l’ampleur de la gronde, derrière laquelle de grands établissements muséaux ont fait front uni. Leur intérêt réel dans le dossier est d’ailleurs ambigu : le Louvre ou le Grand Palais veulent certes contenter les collectionneurs privés qui leurs prêtent des œuvre, mais ne souhaiteraient-ils pas qu’ils soient fiscalement incités à le faire ?
Ce n’est pas la première fois qu’un tel projet d’amendement fait flop. Par le passé, le gouvernement socialiste de Lionel Jospin avait également mis son veto à un tel texte en 1998. Encore récemment, en 2011, le député Marc Le Fur avait déposé un amendement. En vain.