
Les autorités turques ont laissé repartir l'avion de ligne syrien qu'elles ont contraint à se poser, mercredi soir, à Ankara. Selon elles, l'appareil, en provenance de Moscou, transportait une "cargaison non civile".
Le gouvernement d’Ankara a laissé redécoller un avion de ligne syrien en provenance de Moscou après l’avoir obligé à atterrir dans la nuit du 10 au 11 octobre à l’aéroport d’Ankara-Esenboga et l'avoir retenu plusieurs heures sur son sol. Les autorités turques soupçonnaient la présence d’une "cargaison non civile" suspecte. Une partie du chargement a été saisie.
"Il y a une cargaison illégale à bord de l'avion qui aurait dû être signalée"; en conformité avec la réglementation de l'aviation civile, a confirmé le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, cité par l'agence de presse Anatolie. "Il y a des éléments à bord qu'on peut qualifier de douteux", a poursuivi le ministre sans donner de détails.
Il pourrait s'agir de pièces de missiles, selon la chaîne d'information NTV, ou de matériel de communication destiné au régime de Bachar al-Assad, selon la télévision publique TRT. Certains médias turcs évoquent un équipement non létal tel que du matériel radio.
Des avions de chasse turcs avaient reçu mercredi soir l'ordre de décoller pour escorter l'appareil. L'avion de ligne transportait 35 passagers, dont 17 Russes et des enfants, selon l'agence Interfax.
La Russie demande des comptes
Selon la compagnie syrienne, l'équipage de l'avion a été agressé. "Les autorités turques ont agressé l'équipage avant d'autoriser l'avion à décoller de l'aéroport d'Ankara", a accusé la directrice de la compagnie Syrian Air, sans préciser la nature de l'"agression.
Fidèle alliée du régime de Bachar al-Assad, la Russie a immédiatement exigé des explications au ministère turc des Affaires étrangères tandis que le président russe, Vladimir Poutine, a repoussé sa visite à Ankara à une date indéterminée. La presse russe affirme toutefois que cette visite aurait été annulée avant même l'interception du vol Moscou-Damas par les forces aériennes turques.
Le ministère russe des Affaires étrangères s'est plaint que son personnel diplomatique se soit vu refuser d'assister les 17 passagers russes pendant les huit heures de l'escale forcée. Les autorités turques ont, en outre, "refusé de laisser les diplomates [russes] se rendre auprès de nos concitoyens, qui sont restés 8 heures confinés dans l'aéroport", ajoute le ministère, accusant Ankara d'avoir "violé la convention consulaire bilatérale".
L'ambassade de Russie en Turquie a immédiatement exigé des explications au ministère turc des Affaires étrangères mais les relations entre les deux pays ne devraient pas être affectées. "En l'état actuel des choses, l'incident ne devrait pas affecter les relations turco-russes", a indiqué Ahmet Davutoglu.
De son côté, Damas a réagit par la voix de son ministre des Transports, Mahmoud Saïd, qui a estimé qu'Ankara s'est livré à un acte "de piraterie aérienne violant les traités de l'aviation civile", selon la chaîne de télévision libanaise Al-Manar, la station du Hezbollah, alliée de Damas.
Le torchon brûle entre Ankara et Damas
Après l’interception de l’Airbus syrien, les autorités d'Ankara jugent que l'espace aérien syrien ne présente plus les garanties nécessaires de sécurité et elles exhortent les avions de ligne à ne plus l'emprunter. Cet avertissement a entraîné une courte interruption du trafic aérien et des changements de cap.
Depuis le bombardement du village d'Akçakale le 3 octobre, les incidents se sont multipliés à la frontière turco-syrienne et la tension n’a cessé de monter entre les deux voisins.
L’armée turque a accru sa présence le long des 900 kilomètres de leur frontière commune et bombardé ces derniers jours plusieurs sites de l’armée syrienne après des tirs de mortiers venant de Syrie, dont l’un a fait cinq morts parmi la population civile turque. "Nous avons répondu mais si cela continue, nous répondrons avec davantage de force", a assuré le général turc Necdet Ozel, cité par la chaîne de télévision publique.
La Turquie, membre de l'Otan, a rompu avec le régime de Damas, soutient les rebelles syriens et accueille sur son sol 100 000 réfugiés syriens.
FRANCE 24 avec dépêches
Les zones de tensions à la frontière syro-turque