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Hugo Chavez brigue, dimanche 7 octobre, un troisième mandat à la tête du Venezuela. Face à lui, le jeune politicien Henrique Capriles Radonski est parvenu à unir les déçus du chavisme... et se révèle être un redoutable adversaire.

"Nous allons gagner, mais nous n'avons pas encore gagné". Quelques jours avant l’élection présidentielle vénézuélienne du dimanche 7 octobre, Hugo Chavez, d’ordinaire hargneux et combatif, affichait un ton étonnamment prudent. Pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir il y a près de 13 ans, le chantre de la gauche bolivarienne semble entrevoir l’éventualité d’une défaite, alors qu’il brigue un troisième mandat consécutif, d'une durée de six ans. Pendant la dernière semaine de campagne, il est allé jusqu’à inviter ses partisans à "ne pas céder au triomphalisme". Les derniers sondages ne lui accordent, en effet, qu’une faible avance sur son adversaire, Henrique Capriles Radonski - entre 43 % et 49 % des intentions de vote en faveur de Chavez contre 34 % à 46 % pour son rival. Une étude rendue publique le 15 septembre dernier donne même Capriles gagnant avec 48,1 % des voix.

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Le front anti-Chavez fait trembler le président sortant

"Dans cette campagne, on a vu un Chavez beaucoup moins sûr de lui, admettant ses erreurs et appelant ses militants à faire barrage à son opposant", rapporte Laurence Cuvillier, correspondante de FRANCE 24 à Caracas. "El Comandante", comme il aime à se faire appeler, s’est aussi montré beaucoup moins présent sur le terrain, délaissant les meetings enflammés et ses mythiques discours-fleuves au profit d’interventions télévisées plus policées.

Au cours de la campagne, Hugo Chavez n’a effectué qu’une trentaine de déplacements dans le pays. À chacun d’entre eux, il a été accueilli par une marée humaine rouge révolution et, devant la foule en délire scandant son nom, il s’est attaché à se montrer énergique. L’objectif plus ou moins assumé était de faire taire les rumeurs concernant son état de santé. À 58 ans, il a été opéré à deux reprises - en 2011 et 2012 - d’un cancer dont il se dit aujourd’hui guéri. " Chavez est la joie ! Chavez est la patrie ! Chavez est le futur ! Chavez est le candidat de la vie ! Le 7 octobre, la victoire de la révolution est inévitable !", a-t-il ainsi lancé dans son style le plus pur, lors de son dernier meeting, le 4 octobre, sur la symbolique avenue Bolivar de Caracas, avant d’entamer une brillante démonstration d’air Guitar.

Capriles, la figure du gendre idéal

À l’inverse, son rival Henrique Capriles, la quarantaine et l’allure du gendre idéal, n’a pas eu à multiplier les artifices pour prouver sa vigueur et son dynamisme. Sans attaquer frontalement le parangon du "socialisme du XXIe siècle" sur son état de santé, Henrique Capriles s’est volontiers laissé photographier en plein footing, apparaissant jeune, dans une forme olympique contrastant singulièrement avec celle du président sortant. Le candidat de la coalition d’opposition a, par ailleurs, sillonné le pays sans relâche pour tenter de convaincre les déçus des années Chavez et les quelque 15 % d’électeurs indécis. En pleine saison des pluies, il a assisté à environ 250 événements de campagne depuis février dernier.

M odéré et prudent, le style même du candidat issu du parti de centre-droit Primero Justicia (la Justice d’abord) tranche avec celui du président sortant. "Chavez et Capriles sont issus de deux matrices très différentes", explique Jean-Jacques Kourliandsky, chargé de recherche sur l’Amérique latine à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). "Chavez a été élu en 1998 sur un projet de bolivarisme en rupture avec le système des partis politiques pré-existants, poursuit le chercheur. Capriles, en revanche, est l’héritier de ce système politique écarté par Chavez."

La revanche des anti-Chavez

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FOCUS : Dernière ligne droite pour Chavez et Capriles

Ce jeune surdoué de la politique vénézuélienne s'est imposé au sein de sa coalition, la Table de l’unité démocratique (MUD), une trentaine de petits partis hétéroclytes. "Le cartel des non", résume le chercheur. "Leur grand objectif commun est de mettre fin au gouvernement d’Hugo Chavez, ce qui reste un programme assez limité, estime encore ce dernier. La grande inconnue est de savoir si cette coalition, dans le cas où elle parviendrait à remporter l’élection, serait en mesure de gouverner".

Pour l’heure, Capriles appuie là où ça fait mal et fait des émules. Il fustige l’insécurité galopante dans les villes vénézuéliennes, tacle le terne bilan économique du président sortant, prône l’apaisement avec les États-Unis et se présente comme le "David contre Goliath" en lutte contre un "malade du pouvoir". Il promet en revanche de poursuivre et de moderniser les programmes sociaux qui ont fait toute la gloire des années Chavez. En un peu plus d’un mois, il est ainsi parvenu à réduire de près de dix points son écart avec son rival.

" Compte-tenu des antagonismes politiques très forts au Venezuela, une victoire de l’opposition serait quelque chose de beaucoup plus fort qu’une simple alternance politique, affirme Jean-Jacques Kourliandsky. Ce serait un retour au système antérieur à Chavez et cela impliquerait un certain nombre de réajustements diplomatiques en Amérique du Sud : un rapprochement avec les États-Unis signifierait une rupture avec le front anti-impérialiste, comme la Bolivie… Le Venezuela se retrouverait, dans ses relations avec les États-Unis, sur une ligne proche de celle du Chili, de la Colombie ou du Panama". Cette révision de l'équilibre géopolitique régional resterait cependant fortement marquée par l'influence d'Hugo Chavez qui, aux côtés des diplomaties argentine et brésilienne, a largement contribué au recul de l'influence américaine en Amérique latine.