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La crise espagnole dope le nationalisme catalan

Le gouvernement espagnol de Mariano Rajoy doit faire face, en pleine crise économique, à une poussée de fièvre nationaliste de la Catalogne. "Bien plus qu'une autonomie financière", il est désormais question d'indépendance.

Le président du gouvernement espagnol Mariano Rajoy, qui jouait gros ce mardi face aux barons régionaux du pays, peut souffler. La 5e Conférence des présidents des Communautés autonomes espagnoles - une instance qui réunit notamment les présidents des 17 communautés autonomes, l'équivalent des régions françaises -, qu’il présidait, s’est finalement conclue sans fracas.

Une économie espagnole en ruine

Tous les voyants économiques sont au rouge en Espagne, avec une dette publique qui devrait atteindre selon le gouvernement 85,3 % du produit intérieur brut (PIB) à la fin de l'année, un déficit révisé à 7,4 % du PIB et 4,71 millions de demandeurs d'emploi.

Malgré la pression exercée sur son gouvernement par les marchés et d'une partie de ses partenaires européens, Mariano Rajoy a réitéré, ce mardi, son refus obstiné à demander une aide globale de l'Union européenne.

Annoncée à hauts risques pour le chef de l’exécutif ibérique, en raison des intentions frondeuses des patrons de certaines régions fort mécontents de supporter inégalement le poids de la politique d’austérité du gouvernement, la réunion au sommet a en effet abouti sur une feuille de route de la consolidation budgétaire. Les régions espagnoles se sont engagées "à l'unanimité" à tenir leurs objectifs de réduction du déficit, a annoncé mardi Mariano Rajoy qui a, en échange, promis de revoir la répartition du déficit en 2014.

La Catalogne, caillou dans la chaussure de Rajoy

Toutefois, ce répit, sur le plan interne, obtenu ce mardi lors de la Conférence des présidents des Communautés autonomes par le chef du gouvernement central espagnol sera de courte durée. À l’instar des régions autonomes comme l'Andalousie, Valence et Murcie au bord de la faillite, la pourtant très riche Catalogne – 18 % du PIB national - se trouve entraînée par la crise économique sans précédent qui plombe le pays depuis plus de quatre ans.

Très endettée, croulant sous une ardoise de 42 milliards d'euros (21 % de son PIB), et confrontée à des difficultés financières aigües, elle a récemment dû ravaler sa fierté nationaliste pour demander 5 milliards d’euros d’aides financières à l'État central. Mais surtout, les responsables catalans refusent de payer pour un État en faillite. Car selon la Catalogne, le gouvernement espagnol, qui collecte l'impôt, ne reverse pas assez à la région. Les Catalans souhaitaient par conséquent conclure un "pacte fiscal" calqué sur celui accordé au Pays basque, qui lève et gère ses impôts, tout en transfèrant dix fois moins de ses richesses par habitant au fisc espagnol.

Une demande restée sans suite et qualifiée d'"’irresponsabilité inopportune" en temps de crise par Mariano Rajoy. Depuis, la Catalogne agite le spectre de son indépendance. Artur Mas, le bouillant président nationaliste de la région, n’a-t-il pas déclaré mi-septembre qu'"une opportunité historique dans la compréhension entre la Catalogne et le reste de l'Espagne" avait été manquée ? Ce dernier a réagi en convoquant des élections régionales anticipées le 25 novembre prochain, deux ans avant la date initialement prévue, non sans assurer que s’il était réélu, il organiserait une consultation populaire sur l’autodétermination. À la crise économique s’ajoute donc une crise politico-constitutionnelle.

"Bien plus qu’une autonomie financière"

"Sans surprise, Artur Mas mise sur le sentiment nationaliste des Catalans qui a été récemment exacerbé par la crise économique et les relations houleuses avec Madrid", explique à FRANCE 24 Luis Uria, correspondant du quotidien catalan de référence "La Vanguardia", en poste à Paris. Le président de la région a bien reçu le message en constatant l’ampleur de la mobilisation lors de la dernière "Diada", journée de commémoration annuelle de la prise de la Catalogne par les Bourbons en 1714, où près d’un million de séparatistes ont défilé dans les rues de Barcelone le 11 septembre. "Cette grande manifestation, qui a surpris toute l’Espagne, a peut-être fait comprendre à Artur Mas que la question du pacte fiscal était dépassée, et qu’un grand nombre de Catalans veulent bien plus qu’une simple autonomie financière, c’est à dire l’indépendance", précise Luis Uria qui cite, en outre, de récents sondages appuyant cette tendance. L’un d’entre eux réalisé en juillet, et publié dans le journal "La Vanguardia", montrait que 51,1 % des Catalans voteraient "oui" aujourd'hui à l'indépendance en cas de référendum, contre 36 % en mars 2001.

Une perspective qui laisse pour l’instant l’État central de marbre. Les services du chef du gouvernement ont sèchement rappelé l’existence de règles institutionnelles et légales "pour empêcher un référendum", dont "le gouvernement est prêt à faire bon usage".

Et s’il est parvenu à éviter le clash avec la Catalogne lors de la Conférence des présidents des Communautés autonomes, pourtant annoncé par la presse espagnole, Mariano Rajoy ne le doit qu’à Artur Mas. Ce dernier a préféré débattre des questions économiques, laissant pour plus tard le grand débat sur l’indépendance de sa région.