Le parti du président géorgien Mikhaïl Saakachvili affronte, au cours des élections législatives, le Rêve géorgien, une coalition dirigée par le milliardaire Bidzina Ivanishvili. Analyse de Robert Parsons, chroniqueur international à FRANCE 24.
Coups bas, révélations douteuses et provocations. Jusqu’au dernier jour, la campagne des élections législatives en Géorgie s’est déroulée dans un climat délétère. Le président Mikhaïl Saakachvili, leader du Mouvement national uni (MNU), donné favori, et par le milliardaire Bidzina Ivanishvili, numéro un de la coalition d’opposition Le rêve géorgien, sont à couteaux tirés, le premier accusant le second d’être un "agent de Moscou", le second dénonçant les dérives autoritaristes du président en place.
Mikhaïl Saakachvili, 44 ans, jeune et pro-occidental, est arrivé au pouvoir en 2004, à la faveur de la Révolution de la rose qui a renversé, fin 2003, le président Édouard Chevardnadze, ex-ministre des Affaires étrangères de la défunte URSS. En 2008, Saakachvili a mené une guerre éclair désastreuse contre la Russie qui, depuis, occupe 20 % du territoire géorgien et impose un embargo sur les produits géorgiens.
Face à lui, Bidzina Ivanishvili, un homme d’affaires ayant fait fortune en Russie, est parvenu à mobiliser l’opposition en assurant que la Géorgie, indépendante depuis 1991, pouvait maintenir sa souveraineté tout en se rapprochant de son voisin russe. Robert Parsons, chroniqueur international à FRANCE 24 et expert de la Russie et des anciennes républiques soviétiques, répond aux questions de France24.com.
FRANCE 24 : Saakachvili accuse son adversaire Ivanishvili de vouloir remettre la Géorgie sous la coupe russe. Ses craintes sont-elles légimites ?
Robert Parsons : Le problème, c’est que personne ne sait vraiment ce que va faire Ivanishvili. Il a tenu des propos différents à des moments différents, se contredisant lui-même. Mais il a clairement affirmé que la Géorgie devait améliorer ses relations avec Moscou. Personne ne peut nier cela : la Géorgie a déséspéremment besoin de restaurer ses liens avec la Russie. Saakachvili et le Kremlin ont entretenu des rapports très conflictuels. Ils ont dégénéré au point qu’aujourd’hui , le gouvernement russe et le gouvernement géorgien ne se parlent plus. Si Ivanichvili pouvait trouver une solution à cela, je crois que tous les Géorgiens seraient contents. Mais la question clé c’est : à quel prix ? Personne ne sait que qu’Ivanichvili est prêt à offrir à la Russie pour qu’elle accepte de restaurer le dialogue et d’apaiser leurs relations. Les Géorgiens ne sont pas prêts à renouer les relations avec la Russie à n’importe quel prix.
Ivanishvili était, il y a encore un an, pratiquement inconnu dans la sphère politique géorgienne. Quelles sont les raisons de son succès ?
R.P. : Ivanishvili est milliardaire, il est au 153e rang des hommes les plus riches de la planète, sa fortune est estimée à 6,7 milliards de dollars. Sa richesse lui a permis de mettre sur pied une machine électorale très puissante. Il est ainsi parvenu à unir une opposition morcelée et disparate sous la bannière du Rêve géorgien.
Ivanishvili dirige une force d’opposition. Sans lui, les petits partis d’opposition, qui se sont unis sous son aile, seraient restés marginalisés, en Géorgie. C’est grâce à son charisme qu’ils se font entendre. Cependant, ces petits partis politiques ne comptent pas se subordonner à lui.
Que peuvent attendre les dirigeants européens si Ivanishvili remporte l’élection ?
R.P. : Ce que chacun devrait espérer, c’est qu’Ivanishvili, s’il devient Premier ministre, ne revienne pas sur les réformes faites sous Saakachvili, notamment en ce qui concerne la lutte contre la corruption dans la police et dans l’armée. Mais il existe un certain nombre de domaines dans lesquels le gouvernement actuel a échoué. L’un d’entre eux, comme on l’a vu récemment, c’est la réforme du système pénitencière.
[Une vidéo récemment rendue publique montre des gardiens de prison torturant et violant des prisonniers. Le film a provoqué une onde de choc à travers la société civile, NDLR]. Saakachvili a également échoué à faire évoluer le système judiciaire. Ce sont les deux domaines où, à mon sens, la communauté internationale devra se montrer vigilante si Ivanishvili remporte les législatives pour s’assurer qu’il travaillera plus sériseument que le gouvernement actuel sur ces questions.