
Le rideau s’est ouvert mardi, à la Fashion Week de Paris, sur un combat de coqs très attendu entre les designers de deux prestigieuses maison de haute couture : Hedi Slimane chez Yves Saint Laurent et Raf Simons chez Christian Dior.
Le monde de la mode est décidément en effervescence. La renaissance de la maison italienne Elsa Schiaparelli, qui a ressuscité cet été après 60 ans d’endormissement, alimente l'hystérie générale. La maison, rachetée par le propriétaire de Tod’s et de Roger Vivier, a rouvert un magasin sur la place Vendôme à Paris, en même temps qu’elle faisait l’objet d’une exposition à New York, au Costume Institute du Metropolitan Museum of Art. Qui mène la nouvelle collection Schiaparelli ? Le nom de… John Galliano circule. Le suspens prendra fin début octobre. Et la collection devrait être prêt pour les défilés de janvier 2013.
Il peut pleuvoir et venter sur la rive droite de Paris, la Fashion Week promet de faire sensation cette année. Le récent jeu de chaises musicales à la tête des plus grandes maisons de couture et de prêt-à-porter a propulsé Hedi Slimane chez Yves Saint Laurent (YSL) et Raf Simons chez Dior - en remplacement de John Galliano, évincé l’année dernière après que ce dernier eût été condamné pour injures raciales par la justice française. Avec ce renouvellement simultané des têtes créatrices de Saint Laurent et de Dior, c’est un choc des titans qui s’annonce.
Si Hedi Slimane, d'origine tunisienne et italienne, a fait ses débuts chez YSL, il revient aujourd'hui en tant que chef, après être passé par la collection homme de Dior – où il avait lancé en 2002 une nouvelle ligne de vestiaires masculins qui avait fait sensation. "Un costume épuré, noir, à la limite de l’austérité, et tellement étroit que les femmes ont jeté leur dévolu sur cette collection", raconte Pascal Mourier, chroniqueur mode pour FRANCE 24. Au point que les spécialistes parlent d’un avant et d’un après Slimane pour penser la ligne vestimentaire masculine. Son show, rythmé par des groupes de rock londoniens, est un événement très couru que n’aurait manqué pour rien au monde feu Yves Saint-Laurent.
Pas d’ostentation, il faut donner du sens
En 2007, il quitte Dior faute de pouvoir créer une ligne féminine – terrain exclusivement réservé alors à Galliano. C’est chez finalement chez YSL, cinq ans après, que Slimane pourra enfin donner libre cours à ses idées. Un travail qu'il aura maintenu dans le plus grand secret.
Côté Dior, le Belge quadragénaire Raf Simons, venu de chez Jil Sanders, privilégie lui aussi la simplicité et le minimalisme. Le choc des titans ne donnera donc pas dans la surenchère de frivolités. "C’est la nouvelle ligne du luxe : pas d’ostentation, il faut donner du sens", commente Pascal Mourier. Sobre oui, mais visuel et novateur. Un véritable tournant est attendu. "On n’avait pas vu cela depuis les arrivées de Galliano chez Dior et Alexander McQueen chez Givenchy au milieu des années 1990", commente Didier Grumbach, président de la fédération de la couture et du prêt-à-porter des créateurs de mode.
Jeunes créateurs incontournables
La semaine prochaine, du 4 au 6 octobre, en écho à la semaine de défilés des grandes maisons parisiennes, la première Black Fashion week est organisée à la force du poignet par la franco-sénégalaise Adama Paris. A admirer dans le très chic pavillon Cambon Capucine, la salle investie cette semaine par Chanel…
À côté du combat des chefs issus des maisons-phares, la première journée de la Fashion week, mardi, a été consacrée à la nouvelle génération, notamment à Anthony Vaccarello, belge et tout juste trentenaire, à Steffie Christiaens, dont le nom s’affiche obstinément dans les magazines de mode depuis un an, à Le Moine Tricote, à Impasse de la Défense… "Ce sont des créateurs à suivre. La majorité de mes confrères pensent que ce n’est pas important, que c’est une première journée en dilettante, mais ces collections sont, au contraire, incontournables", estime Pascal Mourier. "Ces jeunes bossent comme des brutes pour faire des propositions de mode, ils pensent en artistes plus qu’en artisans." Ces maisons de mode produisent en petite quantité, vendent moins cher que leurs consœurs, et cherchent à attirer l’attention des financiers pour produire à échelle industrielle.
La Fédération française de prêt-à-porter a même mis à disposition un grand appartement pour permettre aux jeunes indépendants de disposer d’un showroom et de se faire connaître. "Ces créateurs ont toutes les peines du monde à percer dans un système où l’argent n’est perçue que six mois ou un an après la présentation de la collection", explique Pascal Mourier. Une chance leur est donnée pendant toute la semaine, jusqu’au 3 octobre.
À retrouver toute la semaine, les reportages sur la Fashion Week diffusés sur FRANCE 24, et le blog Mode de Pascal Mourier.