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L’affaire du cargo-poubelle Probo-Koala refait surface

Deux ONG réclament que la société Trafigura, basée au Royaume-Uni, comparaisse au pénal dans le cadre de l’affaire Probo-Koala. En 2006, 100 000 Ivoiriens avaient été intoxiqués suite à l’épandage de déchets toxiques appartenant à la multinationale.

Un rapport accablant de plus de 230 pages intitulé "Une vérité toxique" et publié, mardi, conjointement par Greenpeace et Amnesty International fait ressurgir la complexe affaire du cargo-poubelle Probo Koala.

Tout débute fin 2005, quand la multinationale Trafigura, dirigée par deux Français, fait l’acquisition d’importantes quantités de coker naphtha non-raffiné, utilisé afin de produire du carburant à bas coût. Entamée à terre, la lourde procédure industrielle de raffinage de la substance s’achève lors d’une traversée transatlantique a l’été 2006, à bord d’un cargo nommé Probo Koala, affrété par Trafigura. L’opération, que l’entreprise savait délicate, génère plusieurs tonnes de résidus toxiques dont Trafigura peine à se débarrasser.

L’équipage fait plusieurs escales en Europe, dont une au port d’Amsterdam qui, après analyse des déchets, conclut à leur dangerosité et réclame environ un demi-million d’euro pour leur traitement, soit 1 000 euros par tonne collectée au lieu des 30 euros prévus initialement. Trafigura décline et quitte les Pays-Bas. Après d’autres vaines tentatives en Estonie, au Togo ou encore au Nigeria, la Côte d’Ivoire accepte d’accueillir les résidus toxiques. C’est la toute jeune société Tommy qui prend en charge le traitement et l’épandage des déchets à un prix défiant toute concurrence pour Trafigura. Dans la nuit du 19 au 20 août 2005, Tommy déverse les déchets, à ciel ouvert, dans l’unique décharge d’Abidjan ainsi que dans une dizaine d’autres sites à forte densité de population. Rapidement, des habitants tombent malade. Selon la justice ivoirienne, 17 personnes sont mortes et près de 100 000 ont été intoxiquées. Mais Trafigura a toujours nié sa culpabilité.

"La lumière sur ce qui s’est véritablement passé n’a jamais été faite. Trafigura a réussi à échapper à toute mise en cause, excepté une procédure judiciaire limitée aux Pays-Bas et une simple procédure civile au Royaume-Uni", dénonce le rapport de Greenpeace et Amnesty International. Aucun dirigeant de la compagnie, dont le centre opérationnel est basé à Londres, n’a été mis en cause par la Côte d’Ivoire où un arrangement pécuniaire avait été trouvé en février 2007 pour éviter toute action en justice. Seuls deux Ivoiriens, le patron de Tommy et un agent de terrain, purgent actuellement des peines de prison à Abidjan.

Dans le rapport "Une vérité toxique", les deux ONG réclament qu’une procédure pénale soit désormais entamée au Royaume-Uni .

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Explications de Francis Perrin, Amnesty Internationale

Selon la Fédération internationale de la ligue des droits de l’Homme, 8 à 10 % des déchets dangereux seraient sujets à des transports transfrontaliers chaque année. Disposant rarement d’une politique environnementale efficace, les pays en développements sont particulièrement prisés pour traiter ces déchets à très bas coût pour les entreprises. La procédure d’élimination des déchets toxiques coûte en moyenne 250 dollars la tonne en Europe contre seulement 2,50 dollars en Afrique, selon les estimations du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE).